MEMPHIS Backstage : triomphe du « design » à la galerie Schweitzer
À la galerie Lucien Schweitzer (1), où nous avons coutume d’aller admirer le top de la peinture, du dessin, de la sculpture, de la photo et des installations du Luxembourg et d’ailleurs, explore-t-on de nouvelles voies ? Et pourquoi pas ? Le delta du fleuve de l’art est immense et ses bras innombrables. Quoi de plus normal qu’un galeriste curieux, novateur, découvreur, veuille explorer tous ses bayous ? Voilà pourquoi aujourd’hui le design : l’ameublement et la décoration d’intérieur de demain... ou espérée telle ! Espérée, bien sûr, car jamais aucune certitude ne préside à la recherche, à l’expérimentation, à la création. Quel sera l’accueil du public ? Quelle prise dans l’air du temps ? À vous de juger, amis lecteurs... et visiteurs !
En attendant, voici, en guise d’antipasto, un abrégé des textes, que vous pourrez lire en entier (bilingue italien/français) à la galerie Schweitzer, en parcourant du regard les panneaux explicatifs de l’exposition Memphis Backstage. Lisons donc tout d’abord un abrégé de ce que nous dit le curateur de l’exposition et membre fondateur de Memphis (2), Aldo Cibic, sur la naissance du groupe :
« Memphis est un mouvement qui, au début des années 80, a marqué un grand changement dans le monde du design, mais pas uniquement. Dans ces années là il représentait un moment de rupture par rapport au fonctionnalisme dominant, affirmant une approche plus sensorielle et iconique. L’exposition se nomme « Backstage » (coulisses) pour autant qu’elle essaie de regrouper au moins une partie des raisons, des choix conscients et inconscients, des moments d’expérimentation, de l’énergie et de la joie que ce groupe a vécu (...) La raison pour laquelle trente ans plus tard, Memphis, continue à faire réfléchir, est de (...) nous contraindre à réfléchir sur le fait que seule la vision au-delà de l’homologation et de l’opportunisme, nous permet de chercher de nouvelles voies et de produire un futur. »
Il semblerait en fait, que le nom de « Memphis » soit né en 1981 au cours d’une nuit de création entre copains architectes et designers, bien arrosée et enfumée dans l’appartement de 40 m² où vivaient Barbara Radice et Ettore Sottsass. Sonorisation garantie par les tubes du moment, dont « Stuck Inside of Mobile with the Memphis Blues Again » de Bob Dylan. C’est qu’il en aura inspiré, des artistes, le grand Bob ! « Chacun arrivait avec un travail fait durant la nuit et le week-end, et en peu de temps ces dessins devenaient des meubles et des objets absolument spéciaux. Ettore a inventé un nouveau vocabulaire que nous avons eu à disposition pour produire des interprétations personnelles. La caractéristique particulière de beaucoup de pièces était donnée par l’utilisation de matériaux inédits. » Et voici un fragment d’un texte Ettore Sottsass, qui nous a quitté en 2007, phrases qui témoignent, au-là du sujet traité (des vases), de la dynamique créative qu’il insufflait au groupe : « ... je veux conquérir un espace nouveau et différent de celui qui était prévu par l’artisan ancestral. Je veux me sentir libéré des hermétismes et des mythes de cette science (...) qui se conquiert en restant toujours sur le même problème. Je veux réussir à développer mes projets de façon différente en utilisant plus que les expériences ancestrales, une nouvelle accélération, par exemple tout simplement, en produisant plus d’adrénaline... ».
Il serait sans doute ravi, Ettore Sottsass, s’il était aujourd’hui parmi nous devant la riche exposition de meubles, vases, installations et objets utilitaires et décoratifs de styles intemporels crées par la pépinière de designers qui continuent à porter haut son flambeau. Celui de Memphis, bien sûr, rallumé chez Schweitzer, avec Backstage, par nombre de ses amis, collaborateurs et successeurs. Citons notamment Aldo Cibic, l’un de ses cofondateurs et curateur de cette expo, mais aussi les artistes Thomas Bley, Andrea Branzi, Beppe Caturegli, Nathalie du Pasquier, Martine Bedin, Michele de Lucchi, Umeda Masanori, Michael Graves, Hans Hollein, Massimo Iosa-Ghini, Arata Isozaki, Terry Jones, Shiro Kuramata, Ferruccio Laviani, Javier Mariscal, Alessandro Mendini, Paola Navone, Barbara Radice, Luigi Serafini, Peter Shire, George James Sowden, Matteo Thun, Gerard Taylor, Marco Zanini, Marco Zanuso Jr et, bien entendu, Ettore Sottsass lui-même.
Il est bien sûr hors de question, que je vous détaille ici l’incroyable diversité des créations présentées, amis lecteurs. Aussi me contenterai-je de vous en citer quelques-unes, juste de quoi vous mettre l’eau à la bouche. Drôle d’expression ; ne faudrait-il pas écrire dans ce cas « l’eau à l’oeil » ? Mais quelle importance ? L’essentiel est que vous veniez admirer personnellement ce gala de couleurs, de formes et de styles que vous propose aujourd’hui cette exposition de design italien et international unique au Grand-duché. Voici donc quelques amuse-gueules :
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1) Galerie Lucien Schweitzer, 24 avenue Monterey, Luxembourg (entre Parc et boulevard Royal), mardi à samedi de 10 à 18 h, exposition jusqu’au 31 juillet.
2) Membres fondateurs de Memphis : les architectes & designers Aldo Cibic, Ettore Sottsass (+ 2007), Andrea Branzi, Marco Zanini, Matteo Thun, Martine Bedin, Michele de Lucchi, George J. Sowden, la peintre & designer Nathalie Du Pasquier, et Barbara Radice, designer, journaliste, critique d’art et auteur notamment des livres « Memphis : Research, Experiences, Failures and Successes of New Design », « Ettore Sottsass a Critical Biography », « Jewelry By Architects »...