Les «Univers parallèles» d’Adam Martinakis
A l’instar de Richard Branson, Madame Gila Paris, la directrice de la Cultureinside gallery (1), n’hésite pas à voler haut, très haut même et à nous emmener, passagers avides de d nouvelles perspectives, grâce à son exposant du jour, le génial Adam Martinakis, vers de nouvelles découvertes. Cet artiste, dont je pus ai déjà permis d’admirer la virtuosité en en 2009 à la galerie Clairefontaine, je l’ai retrouvé chez Cultureinside dans une expo individuelle en 2014, puis de groupe en 2018 et 2020. C’est vous dire qu’il est loin d’être un inconnu entre les pages de notre Zeitung. Mais alors, penserez-vous, à quoi bon nous en parler encore? Pourquoi? Tout simplement parce que le Martinakis présent n’est jamais celui d’hier, ou d’avant-hier. Comme le Beaujolais nouveau, qui se renouvelle tous les ans sans jamais être identique au cru précédent, le Martinakis 2021, ne vous fera pas oublier celui des anciennes expositions. Certes, vous reconnaîtrez d’emblée son style, son talent et son inventivité dans ses thèmes de prédilection, mais vous verrez aussi qu’il porte et nous apporte avec ses nouvelles créations autant de neuf que d’inédit, de jamais vu.
Les compositions digitales jaillies de l’imagination de cet artiste effervescent sont imaginées, crées, formées, dessinées, mises en couleur, sculptées en 3 puis 2 dimensions et mises en scène dans des composions ici proches de la réalité, là surréalistes, ailleurs absolument extravagantes. Attention, aucun tape-à-l’œil dans le fantastique ou l’anormal de ses compositions, rien de Pop, aucune couleur criarde ou violente. Ses représentations sont d’un goût parfait et réalisées avec un souci d’esthétique et une harmonie dignes des accords d’un ballet de Grieg, au point que leur invraisemblance même vous paraîtra possible et tout simplement belle. Certes, l’outil digital lui permet de voler, à l’instar d’autres grands artistes contemporains, dans des dimensions inexplorées à ce jour. Je pense notamment à Giacomo Costa dont je présentai les travaux par le passé. Oui, mais la comparaison s’arrête là. Lorsque Costa s’est rendu célèbre par ses grandioses paysages urbains et industriels post-apocalyptiques dont l’être humain est exclu, chez Martinakis tout tourne autour de l’être humain.
De l’homme et de la femme autour desquels il conçoit et réalise ses œuvres, il extrait et met en forme les idées, ainsi que les tortuosités de leur subconscient et leurs craintes profondes, sempiternelles, comme dans «Consequence of Implosion», et dans «Subside», ou bien leurs phantasmes dans «Correlations» et «Egocentric». De son côté Martinakis affirme construire son travail comme «un mélange de futurisme post-imaginaire et de symbolisme abstrait». Moi je pense que ses créations tiennent moins d’un symbolisme abstrait que surréaliste, voire transréaliste, ou même uchronique, tout lui étant permis. En effet, l’art digital permet de donner vie à des mécanismes de création illimités. L’artiste y explore sans cesse l’existant et l’inexistant possible, le connu et l’inconnu, la lumière, les ténèbres... Propose-t-il une passerelle entre matière et esprit, vivant et absent, personnel et universel? Qu’il s’en rende compte ou non, je pense que oui.
Fruit de son parcours autant que ses choix, artiste visionnaire, féru de numérique et de nouvelles images, Martinakis s'est tourné après ses études de design industriel vers l'art numérique. Ainsi que l’écrivis dans un précédent article, à technique inchangée devant bien me répéter, ses «sculptures planes» sont des images de synthèse avec un rendu 3D. Elles représentent des êtres à la vigueur vulnérable, empreints d'une puissance fragile, d'une énergie qui semble toujours prête à se briser comme celle d’un cumulonimbus. Conçues en tant que sculptures numériques, elles sont ensuite ramenées par cet avatar de Faust qu’est Martinakis à des projections bidimensionnelles – scènes, images, ou tableaux – où la troisième dimension reste omniprésente, s’impose à votre perception et où même une énième dimension n’est sans doute pas loin.
Projeté sur des feuilles (panneaux) Diabond (2), l’univers imaginaire et visionnaire de l’artiste accroche le spectateur, qui n’est plus simple passant curieux, dès son entrée dans la galerie, par ses multiples facettes. Chacune d’entre elles projette dans l’espace et par-dessus les distances une autre vision de sa créativité, dont les seules limites sont l’esthétique, la beauté, l’élégance et l’harmonie des volumes, des formes, des corps et de leurs chorégraphies. Et Martinakis de l’exprimer par ces mots: «J’imagine l’art comme un pont, une connexion entre l’esprit et la matière, le vivant et l’absent, le particulier et l’universel. Mon but est d’explorer l’inconnu, la lumière et les ténèbres d’une coexistence qui formerait l’horizon évènementiel de la création. Je compose des scènes de ce qui doit encore naître, qui est mort, qui est vivant et qui est absent, immergé dans la métaphysique de la perception». (3)
«Voilà qui paraît fort ambitieux», vous direz-vous sans doute: «Se prendrait-il pour un démiurge?». Je ne le pense pas. Mais comment savoir ce qui meut chacun – artiste ou autre – au fond de lui-même? Martinakis me paraît plutôt l’explorateur qui aspire, grâce aux horizons quasi-illimités de son art, à découvrir tous les univers possibles: parallèles, tangents, intérieurs, ou/et spirituels. Pourquoi ne pas imaginer dans sa «Consequence of Implosion» Thaumas, le dieu marin, ayant maudit ses filles, les Harpies, puis pris de remords, en repêcher les deux moins perverses, Aello et Ocypète, dans «Consequence of Implosion 8»? Et comment ne pas s’arrêter ensuite – spectateurs ébahis – devant la gracieuse mobilité et la pure beauté de «Royal dance 96»? Ce ne sont que trois exemples, certes, aussi est-ce à vous de voir et imaginer le reste après un bref rappel biographique.
Né à Lubań, en Pologne en 1972, Adam Martinakis émigre en 1982 avec sa mère, polonaise et son père, grec, à Athènes. Là il s’inscrit à l’Institut Éducationnel technologique, où il étudie architecture d’intérieur, arts décoratifs et design industriel. Après son diplôme, il entre aux Beaux-arts à Thessalonique. Mais ses études sont traversées, voire saturées par un énorme travail personnel dans de nombreux autres domaines artistiques. À partir de 2000 il travaille et expérimente sur l’art numérique, c'est-à-dire sir la sculpture et les images digitales en 3 d. l’animation, la vidéo digitale et les nouveaux médias. Aussi se considère-t-il avant tout comme un autodidacte. Mais quel autodidacte! Car Adam Martinakis a reçu des muses bien plus que l’habileté, qu’un goût très sûr, du talent et du savoir-faire; il a été touché par le génie. Membre de la Chambre Grecque des Beaux-arts, il a enseigné l’art et le design digital, le graphisme, la décoration d’intérieur et le design céramique dans de nombreux instituts et écoles d’art. Vivant et travaillant en Grèce, en Pologne et au Royaume Uni, il expose dans le monde entier. Cependant, pour voyager aujourd’hui avec lui à travers son art entre les abysses et les hauteurs de notre subconscient, amis lecteurs, rien de tel qu’une visite à cette belle exposition !
***
1) Cultureinside gallery, 8 rue Notre-Dame, coin rue des Capucins, Luxembourg centre, tel. 621.241243, expo Adam Martinakis jusqu’au 21 août, de mardi à vendredi, de 14h30 à 18h30, samedi de 11 à 17h30.
2) Le Diabond, ou ACP (Aluminium Composite Panel) est un panneau en PVC de 3 mm revêtu de feuille d’aluminium.
3) Traduit tant bien que mal de l’anglais: »I imagine art being a bridge, a connection between the spirit and the material, the living and the absent, the personal and the universal. My aim is to explore the unknown, the light and the darkness of a supplementary coexistence that forms the event horizon of the creation. I compose scenes of the unborn, the dead and the alive, immersed in the metaphysics of perception.«