Kultur

Nouveaux CD

Emotions avec Busoni, Händel, Janáček, Manzaro, Schaeuble…

La pianiste suisse Ruth Baumgartner possède un talent tout à fait approprié, à même de porter la musique pour piano de Leoš Janáček, au sommet de l’expression musicale du maître. Ruth Baumgartner étudia le piano au conservatoire de Berne, à la Hochschule für Musik und darstellende Kunst de Vienne et lors de master classes à Vienne, Essen, Assise, Weimar, Freiburg, Santander. Le label VDE Gallo (www.vdegallo-music.com) a publié le CD Klavierwerke (œuvres pour piano) (CD-659) sur lequel sont proposés vingt-quatre pièces pour piano de Leoš Janáček, un régal absolu. Les séries suivantes, brillamment interprétées par Ruth Baumgartner, ont été gravées sur ce CDrie ; « Sur un sentier recouvert », deuxième série ; ainsi que des œuvres isolées, d’une belle intensité expressive : « Dans les brouillards » ; « Un souvenir » ; « Mémoire ». La majorité des œuvres proposées sont d’admirables miniatures, pleines d’ambiance : les mélodies populaires sont sans cesse interrompues par des gammes subites ou des suites d’accords. Janáček s’est librement inspiré de scènes, de souvenirs liés à son enfance, à sa jeunesse, à son village natal. Dans plusieurs pièces, il exprime le chagrin, qui jamais ne le quitta, depuis la mort de sa fille bien-aimée Olga. D’un bout à l’autre de ce CD, le compositeur, loin de toutes contraintes instrumentales, nous livre ses émotions et sentiments les plus profonds.

Autres nouveautés de VDE Gallo : The Café Society Orchestra, Hits from the Ritz (CD - 775), avec des musiques qui ont fait la gloire du Cotton Club, du 21 ou de l’El Morocco de Manhattan, ou encore de bars clandestins. Accompagnez les artistes à Montmartre, au Café de Paris, à l’Embassy Club, vivez des moments inoubliables, scintillants. Une autre nouveauté propose des œuvres de Hans Schaeuble (CD - 577), compositeur suisse (1906 - 1988) que je vous invite à découvrir sans plus tarder : Concertino for Oboe and String Orchestra op. 44 ; In memorian, symphonic music for String Orchestra and Tympani, op. 27 ; Music for 2 Violins and String Orchestra op. 18.

Avec l’ouvrage Leoš Janáček, Jean Sibelius, Ralph Vaughan Williams, un cheminement commun vers les sources, publié dans la collection « Le miroir des savants » aux Editions Beauchesne (www.editions-beauchesne.com), nous restons dans le domaine musical. Pour la première fois, ces trois compositeurs sont mis en perspective dans un même ouvrage. Ces trois maîtres ont tissé des liens communs avec les sources orales du chant entonné par le peuple. Les trois hommes ont vécu pratiquement à la même époque. Ils ont été confrontés aux tragédies de leur temps et y ont répondu en s’engageant personnellement dans la recherche de trésors dont ils pressentaient la proche disparition. Héritiers naturels de William John Thoms, le créateur du mot Folk-Lore (savoir du peuple), en 1846, ces trois admirables compositeurs ont réussi à l’incarner à partir de l’expérience de leurs collectes fécondatrices de leurs musiques. En approchant les hommes et les femmes des campagnes, en s’appropriant leurs mélodies spontanées, témoignages de l’histoire d’une nation, et en les intégrant dans leurs œuvres, ils se sont incorporés eux-mêmes dans l’éternel cheminement vers les sources. Chaque partie de cette exceptionnelle publication de 900 pages, comprend un chapitre consacré au chant populaire et deux autres dédiées à quelques partitions emblématiques de Janáček, Sibelius et Vaughan Williams. Un dictionnaire biographique de plus de quatre cents entrées complète et conclue le livre.

Véritable merveille le CD proposant des œuvres de Brahms que je viens de découvrir chez Tudor Recording (www.tudor.ch / info@tudor.ch) (TUDOR 7167). Le Chœur de la Radio Bavaroise, les Bamberger Symphoniker, sous la direction de Robin Ticciati, proposent un enregistrement de pièces exceptionnelles de Johannes Brahms : Nänie pour Chœur et Orchestre, op. 82 ; Chant des Parques pour Chœur et Orchestre, op. 89 ; Rhapsodie pour solo-alto, chœur d’hommes et orchestre, op. 53 ; Schicksalslied pour Chœur et Orchestre, op. 54. Achevée en 1881, la partition de « Nänie » fut dédiée à la maman du peintre allemand Anselm Feuerbach. Brahms a choisi le poème de Schiller qui évoque les Noenia de la Rome antique, lamentations funèbres chantées par les proches du défunt et les pleureuses. Brahms excelle ici dans un ton élégiaque empreint d’un profond lyrisme. Le « Chant des Parques » est la dernière œuvre chorale de Brahms, écrite en 1881-82. Le texte est tiré du quatrième acte d’Iphigénie en Tauride de Goethe. Brahms met musicalement en scène le contraste entre l’heureuse existence des dieux, leurs fêtes, leurs tables d’or, et la condition misérable de l’humanité, la malédiction retombant sur la tête de leurs enfants. La « Rhapsodie pour alto, chœur d’hommes et orchestre » est basée sur trois strophes d’un grand poème de Goethe intitulé Harzreise im Winter, voyage en hiver dans le Harz. Les souffrances du jeune Werther traduisaient une maladie de la sensibilité alors très répandue chez les jeunes gens dont un certain nombre de suicidèrent. Dans le massif du Harz, Goethe fit la connaissance d’un de ces jeunes werthériens, nommé Plessing, dépressif et misanthrope. Cette œuvre est bouleversante d’intensité lyrique et dramatique, Brahms étant proche du langage de l’opéra qu’il n’aborda jamais. Dans « Le chant du destin », on retrouve l’opposition entre les dieux et les hommes, entre la félicité divine et la douleur humaine. En trois parties, l’œuvre commence par nous baigner dans la lumière des dieux, puis nous plonge dans la sombre réalité humaine, désespérée.

Autres nouveautés chez Tudor Recording : Transcriptions for piano after J.S. Bach (TUDOR 7156) de Ferrucio Busoni (1866 - 1924) comportant les œu-vres suivantes : Chromatische Fantasie und Fuge BWV 903 ; Praeludium und Fuge BWV 552 ; Choralvorspiele ; Praeludium und Fuge BWV 532.
Le « Mozart Piano Quartet » propose un CD comportant des quartets de Schuman et de Brahms, publié chez Dabringhaus und Grimm Musikproduktion (MDG 943 1712 - 6) : Quartet op. 4 de Robert Schumann ; Quartet op. 25 de Johannes Brahms ; Quartet op. 60 de Johannes Brahms. Lorsque Robert Schumann esquissa pour la deuxième fois un quatuor à clavier, entre le 24 et le 30 octobre 1842, et qu’il le termina entre le 7 et le 26 novembre, il avait non seulement entretemps appris son métier à fond, mais aussi récolté peu avant, avec son quintette avec piano en mi bémol majeur, diverses expériences enrichissantes dans la combinaison du piano et des instruments à cordes. L’œuvre est commentée en ces termes dans l’Allgemeine Musikalische Zeitung en décembre 1844, après sa création qui eut lieu le 8 décembre 1844 au Gewandhaus de Leipzig : Un morceau plein d’esprit et de vie, très charmant et émouvant surtout dans les deux mouvements médians, qui brasse avec un véritable élan d’imagination et une grande richesse de pensées musicales, et qui sera certainement accueilli partout comme ici avec beaucoup d’enthousiasme. En septembre 1845, un critique avait souligné Le présent quatuor n’est pas un furieux pianotage virtuose sur de petits lambeaux de mélodie des cordes qui donnerait le tournis, mais une œuvre jaillie d’un esprit artistique pur et chaleureux. Le compositeur ne vise pas à susciter l’admiration pour le travail des doigts, mais à toucher l’esprit et le cœur. L’histoire de la genèse du quatuor en sol mineur op. 25 de Johannes Brahms est obscure. Comme ce fut souvent le cas, Brahms s’est essayé ici aussi, en même temps à plusieurs œuvres de même genre, c’est-à-dire que, comme ce fut le cas auparavant pour les deux sérénades op. 11 et op. 16, ses quatuors avec piano en sol mineur op. 25, en la majeur op. 26 et la première version du quatuor avec piano en do mineur op. 60. Ces pièces furent composées à peu de temps d’intervalle, entre l’année 1855 et le début de l’année 1860. Le journaliste qui rédigea la critique de la première édition de l’œuvre a écrit qu’il y avait là surabondance de matière, avec une confusion qui en découlait obligatoirement, tout à fait préjudiciable à l’ensemble de l’œuvre. La version proposée sur le CD est la prestigieuse version à laquelle Johannes Brahms travailla d’arrache-pied, transformant, comme si souvent, la pièce en un chef d’œuvre que le « Mozart Piano Quartet » reproduit avec des envolées sublimes. Le « Mozart Piano Quartet », composé de Mark Gothoni, violon, Hartmut Rohde, alto, Peter Hörr, violoncelle et Paul Rivinius, piano, parvient à donner au magnifique et singulier répertoire du quatuor avec piano une toute nouvelle dimension. Connaissance et respect des différents styles, une façon intelligente, bien dans l’esprit de la musique de chambre, d’aborder la partition et une ampleur instrumentale symphonique, tels sont les traits marquants de ses interprétations. L’ensemble est régulièrement invité à se produire, dans le cadre de nombreux festivals et cycles de concerts, en Allemagne, en Angleterre, en Italie, en Suisse, au Mexique, au Canada, en Australie et aux USA, lors de festivals tels que, entre autres, le Mahler-Festival, le Festival de Inverno de Campos do Jordao, le Festival Beethoven de Bonn, le Festival de Musique du Schleswig-Holstein, le Festival de Melbourne, le Festival Casals de Puerto Rico ou l’International Barossa Music Festival en Australie. L’ensemble part régulièrement donner des concerts à New York (Lincoln Center et Frick Collection), Wa-shington (Library of Congress), Los Angeles, Chicago, Montréal, Philadelphie, Boston, Baltimore, ainsi qu’au Mexique, au Pérou, en Colombie et au Brésil. L’ensemble s’est spécialisé dans les œuvres de Beethoven, Ferdinand Ries, Strauss, Dvorak, Mélanie Bonis et Saint-Saëns.

Autres nouveautés chez Dabringhaus und Grimm Musikproduktion : De Franz Schmidt, né en 1874 dans une famille germano-hongroise à Presbourg, carrefour des cultures musicales d’Autriche, de Bohème et de Hongrie, vient d’être publié un CD d’œuvres pour orchestres, interprétées par le « Beethoven Orchester de Bonn », sous la direction de Stefan Blunier : Symphony N° 4 ; Intermezzo from Notre Dame. La symphonie dont les mouvements se rattachent directement l’un à l’autre, commence par un thème à la trompette qui parcourt toute l’œuvre comme une devise. Le deuxième mouvement, un Adagio émouvant, est introduit par le violoncelle solo, l’instrument de prédilection de Schmidt. Toute la symphonie est une œuvre majeure, écrite dans la douleur d’une maladie incurable.

Je vous invite à découvrir un triple CD sur lequel j’ai eu le bonheur de découvrir l’opéra Alesandro Severo de Georg Friedrich Händel, ainsi que Don Crepusculo, azione comica d’un atto solo de Niccolo Manzaro. Des œuvres magnifiques, dans des interprétations majestueuses, un régal d’écoute.

Michel Schroeder