J’aurais tendance à écrire ici, que l’opéra «L’Inondation», de Francesco Filidei, est du grand art, si cette expression n’était pas si souvent usurpée à mauvais escient ! Mais, si un jour vous avez la possibilité d’assister à une représentation de cette œuvre, persuadé je le suis vraiment, que vous viendront les mêmes mots à la bouche. Ou alors vous exclamerez-vous en tenant à préciser que vous avez assisté à une représentation plus que savoureuse, brillante.

Nous avons assisté à une récente représentation de cet opéra au Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg, avec dans la fosse, l’Orchestre de Chambre du Luxembourg irréprochable de couleurs, de fluidité, ainsi que de précision.

«L’Inondation» est une œuvre électrisante du compositeur italien Francesco Filidei, dans une production très théâtrale de Joël Pommerat. Un couple en mal d’enfants et proche de la dépression habite au rez-de-chaussée, une famille aimante vit au premier et une autre famille aimante vit au second étage.

Le père qui vit avec sa fille au second étage meurt subitement, laissant sa fille orpheline. Elle sera accueillie par la famille en mal d’enfants. L’homme de ce couple va très rapidement succomber aux charmes de la jeune fille recueillie. On peut déjà imaginer qu’un drame va se nouer ! Et pas un petit drame, ni un drame léger, mais un drame d’envergure.

Cette grande maison dans laquelle vivent tant de personnages est située sur une presqu’île, l’eau n’est jamais éloignée. Le pays est régulièrement en proie à de terribles inondations qui submergent tout à la vitesse de l’éclair.

Cette fois aussi l’eau va arriver, se précipiter, se déchaîner !

Au fil des scènes le drame s’intensifie. L’épouse n’est pas aveugle. Elle se rend vite compte que son mari la trompe. L’irréparable va arriver. Le drame éclate. On se retrouve dès lors dans une affaire policière.

La fin de l’opéra a laissé le public en état de sidération. De longs applaudissement viennent souligner la réussite de l’œuvre.

La partition de Francesco Filidei est magnifique. Très contemporaine et riche en trouvailles sonores, avec des bruitages ciselés sur mesure, la musique qui est identique à de la musique de film, participe à l’atmosphère étouffante du spectacle. La scène lors de laquelle l’épouse sombre dans la folie s’inscrit admirablement dans la longue lignée de la tradition opératique. Francesco Filidei est parvenu à explorer toute la force dramatique afin de capturer le public dans un univers singulier.

Lors de la représentation à laquelle nous avons assisté, les applaudissements ont été chaleureux, la salle conquise.

Cet opéra est un authentique chef-d’œuvre du théâtre lyrique. La densité et l’intelligence du texte, cette musique magnifique où le chant est roi et l’orchestre d’une beauté stupéfiante, font de L’Inondation une œuvre exceptionnelle.

L’Orchestre de Chambre du Luxembourg a offert au public des sonorités somptueuses. Dès le début de la représentation, des notes et des accords prolongés sont venus habiter nos oreilles.

Sous la direction avisée de Leonhard Garms, l’OCL a déployé son excellente section de percussions, alors que vents et cordes créèrent une fascinante atmosphère de de fond.

Prétendre que la performance la plus spectaculaire est venue de la fosse est tout à fait exact. Grâce aux musiciens exceptionnels de l’Orchestre de Chambre du Lu­xembourg, tout ce que nos oreilles entendaient était indissociable de ce que l’on voyait.