Kultur24. November 2023

Jusqu’au 26 novembre à la Fondation Valentiny, Remerschen

Les peintures de Michèle et d’Isabelle Frank: rapports aux éléments

de Michel Schroeder

Nous ne pouvons que vous inviter à vous rendre à la Valentiny Foundation au 34, route du Vin à Remerschen où vous découvrirez des travaux artistiques de première qualité. Deux artistes bien connues y exposent leurs nouvelles réalisations jusqu’au 26 novembre: Michèle Frank et sa fille Isabelle Frank. A voir du vendredi à dimanche, de 14 à 18 heures.

Si souvent, lors d’expositions, le public a été confronté aux peintures de Michèle Frank et aux sculptures de René Wiroth, lors de la présente exposition, les peintures à l’huile et au couteau de Michèle dialoguent avec les toiles de sa fille Isabelle. Isabelle utilise différentes techniques mixtes, en particulier le collage qui se transforme également en volumes.

L’exposition actuelle met à jour les liens entre mère et fille, exprimant chacune à sa manière son rapport aux éléments. On retiendra aisément la force et la puissance d’expression de Michèle, l’exploration de l’intime, du détail agran­di, de la légèreté, de l’éphémère chez Isabelle. Voi­là une collaboration artistique d’excellent niveau.

L’âme de Michèle Frank à la lisière de son œuvre

La force qui jaillit des peintures de Michèle Frank est fulgurante. Il s’agit de paysages intérieurs, parfois forts, parfois fragiles, possédant parfois ces deux caractéristiques. L’âme de Michèle Frank on la sait, on la sent à la lisière de son œuvre. Nathalie Becker n’avait-elle pas souligné que le rapport de l’artiste avec son art est à la fois intime et charnel. Michèle ne nous offre-t-elle pas un monde débarrassé de ses oripeaux.

Oui, Michèle Frank est d’une sincérité à toutes épreuves, ne nous offre-t-elle pas, également en partage, tout ce qu’elle a en elle.

Le dialogue entre les peintures de Michèle Frank et celles de sa fille se ressent, au travers une belle harmonie faîte d’intonations, de musicalités, de textures.

Je ne peins que du rêve et du vent

Est-ce la violence de l’océan qui m’a fascinée dès la prime enfance ou celle, familiale, dans laquelle j’ai baigné qui peint en moi? Est-ce la terreur que m’inspiraient les incendies, dont les forêts de pins à proximité étaient la proie, qui reflètent ces paysages en feu qui jaillissent dans mes tableaux? Ces branches qui s’entrelacent, ces fourrés où l’on peut se cacher et se perdre sont-ils des refuges pour échapper aux conflits permanents? Le vent qui balaye ciel et terre sur mes toiles, est-ce lui qui devait m’emporter?

Michèle Frank fuit ce monde anxiogène, où la peur de l’avenir, de la maladie et de la mort, de l’inconnu et de l’étranger est exacerbée par les médias, où la jouissance n’a plus sa place dans notre existence.

Nous sommes tellement emprisonnés dans notre quotidien qu’il n’y a plus d’espace pour le rêve, pour une autre réalité que celle qui nous dévore au fil du temps. C’est une autre réalité qui s’ouvre à moi lorsque je me promène dans mes paysages intérieurs, qui, eux, ne sont pas balisés et se déroulent en grand angle au fil du trait, au fil du rêve, et m’emporte là où je veux aller. En plaquant mes peurs et mes émotions dans un espace vierge, je crée une sorte de surréalité à ma convenance, dont les couleurs donnent la tonalité à mes monologues oniriques. Dans l’espoir, bien-sûr, qu’ils trouveront un écho. C’est tout cela et bien d’autres choses encore que nous transmet Michèle Frank.

À lire: Michèle Frank a publié deux livres aux Editions Phi, «Couleurs de l’intime» et «Blessures sans cicatrices».

Michèle apprécie la communication avec les autres

Après des études de lettres, Michèle Frank a enseigné le français et l’allemand, plus tard, la peinture. Elle a beaucoup exposé, avec son mari René Wiroth, au Luxembourg, en France, en Belgique, en Allemagne, en Suis­se, à New York, en République Tchèque.

L’artiste, qui a écrit déjà plusieurs romans, ainsi que des livres d’art, explique que, pour elle, l’écriture romanesque est à la fois cathartique et analytique et que la peinture lui permet d’entrevoir une autre réalité que celle du monde anxiogène auquel les médias nous confrontent.

Elle nous a également confié qu’elle a choisi cette vie parallèle qu’est la création pour entrer en communication avec l’autre, par le truchement de l’écriture et d’immenses paysages intérieurs qu’elle expose.

Isabelle à la recherche d’un Paradis perdu

À l’aide de son œuvre, Isabelle Frank interroge la Nature et le monde qui nous entourent. Formée à l’École Boulle, aux Beaux-Arts de Paris, diplômée en Histoire de l’art et en langue allemande à la Sorbonne, l’artiste expose régulièrement en France et au Luxembourg de depuis 1998.

Lorsqu’elle a quitté son atelier à Vanves pour s’installer au Grenier à Sel à Châtillon Colligny, dans le Loiret, elle a créé la Galerie IF et l’Association Grenier à Sel, lieu de rencontre pluridisciplinaire, où sont proposés expositions, spectacles vivants et résidences.

Isabelle joue de l’opposition entre les matériaux, tandis que ses installations recomposent des espaces imaginaires et hybrides. Son travail renvoie au sens, à l’intime et à la recherche d’un Paradis perdu. Plus largement, il interroge le devenir de l’homme et de la nature dans l’espace urbain. L’artiste approfondit le lien entre son identité féminine et son travail artistique.