Aus den Betrieben02. Dezember 2023

Et la grève s’est installée chez Ampacet …

Entre craintes et espoirs

de KP

Quand la «masse salariale» est contrainte de lutter pour se faire respecter et pour conserver sa convention collective, le premier syndicat du pays, l’OGBL, est de la partie. Dans la zone industrielle de Dudelange, à quelques pas de la frontière, il y a une grève en cours.

Aujourd’hui, les salariés entament le sixième jour de grève. Le soutien politique sur place n’est affiché que de la part des partis dits de «gauche» et même s´il est vrai que le conseil communal de la Ville de Dudelange a voté une résolution condamnant les démarches quelque peu crapuleuses de la direction d’AMPACET, cela ne peut suffire sur la durée.

Les camarades ouvriers ont besoin de la solidarité de tous les salariés du pays, et ce pour de très bonnes raisons. La principale: la direction de l’entreprise texane veut créer un précédent qui pourrait donner des idées à d’autres marchands d’âmes, dont le seul but semble bel et bien être la mise en question de notre modèle social.

Connaître pour mieux comprendre

Le slogan «l’union fait la force» est d’actualité et pourtant, nombreux sont ceux et celles, qui se demandent en quoi cela les concerne. Oui, les salariés d’AMPACET sont en majorité des travailleurs dits «frontaliers». Le résident lambda ne les rencontre que rarement et souvent de manière furtive.

Il est normal que, sur le devant de la scène, on entende de prime abord les délégués et autres représentant de l´OGBL, car au final, ce sont eux qui vont se retrouver à la table des négociations. Pourtant, les travailleurs eux-aussi ont le droit d’être entendus.

Parmi eux, un «jeune» d’une petite trentaine d’années. Dans quelques mois, il aura 10 ans d’ancien­neté dans la boîte. Si son parcours n’est pas représentatif pour tous, il en dit long, sur AMPACET en particulier et un système d’exploitation économique en général. Nous l’appellerons «Jo»...

Attention, cela risque de piquer un peu

Jo fait ses débuts chez AMPACET à Messancy en 2013, mais pas en tant que salarié. Il devra ­ comme beaucoup d’autres ­cocher la case «intérim» pour passer la porte. Dans le contexte des «missions» qui lui sont ainsi attribuées, il sera aussi «détaché» sur le site de Dudelange. Ce «parcours du combattant» prend fin en 2015 quand AMPACET lui propose un contrat en CDI. Un parcours, dont les détails sont cocasses et qui jettent un froid…

Ainsi Jo, une fois détaché sur le site de Dudelange, est payé selon le minima salarial belge, qui est de 12,26€/h. Pour le travail effectué au Luxembourg, il aurait dû être payé 13,66€/h. Par le truchement du délégué FGTB à Messancy, l’entreprise intérim se fait certes taper sur les doigts, mais la perte financière et fiscale ne sera jamais compensée. En tant qu’ouvrier au Luxembourg, il rejoindra vite les rangs du OGBL. Jo n’aura de cesse de préciser à plusieurs reprises, l’utilité de se syndicaliser.

Se basant sur son expérience et tant qu’intérimaire, Jo a un message à faire passer: «Moi, si j’ai un conseil à donner aux jeunes, c’est de se syndiquer. La cotisation est le meilleur investissement que les salariés peuvent faire.» Et oui, sans les syndicats l’ouvrier est souvent démuni et le rapport de force caduque. C’est qu’il faut en savoir des choses pour défendre ses droits sans se faire broyer les os jusqu’à la moëlle.

Baisser les bras, cela revient à de la soumission

Jo vient de s’acheter une maison. Le remboursement du crédit, proche des mille euros, N’est pas seulement une charge financière mais aussi une charge mentale. «La grève n’est pas ce dont j’avais besoin», précise Jo, qui n’a pas la prétention de devenir un délégué syndical. «Mais baisser les bras, cela revient à de la soumission et au final cela n’engendre que plus d’inégalités.»

Il rappelle aussi que le climat en entreprise est devenu morose avec l’arrivée de la nouvelle direction. Jo se veut bien d’admettre que l’ancienne grille salariale chez AMPACET à Dudelange n’était de fait pas la «panacée», mais on pouvait «faire avec». Dans la convention dénoncée unilatéralement par la direction, le salaire montait par paliers selon l’ancienneté. Les nouveaux dirigeants n’en veulent plus.

Notons au passage que les salaires au Luxembourg sont indexés, et qu’il y a eu deux «corrections» en 2023. Pour contrecarrer ces «coûts», la direction a pris des mesures qui ont au final tronqué la grille salariale mise en place. Il en résulte, qu’aujourd’hui les nouveaux arrivants ont un salaire quasi identique à celui des ouvriers avec une ancienneté de 6 ans.

«En presque dix ans, je me retrouve encore et toujours avec un salaire minimum majoré de 125 euros (…) Je me pose beaucoup de questions quant à l’avenir, car les changements voulus par la direction proposent plus de problèmes que de solutions.» En effet, ils n’en veulent plus de la grille de présence et mettre en avant la «compétence». Ceci pourtant est un couteau à double tranchant, et le salarié est soumis au bon vouloir de l’évaluant. «Si ton supérieur hiérarchique ne t’aime pas, tu deviens le dindon de la farce.»

Et Jo souligne un point très important: «Avec mes camarades, je ne fais pas la grève par choix ou gaieté de cœur. Il y a d’une part le respect qui nous est dû et d’autre part la revendication d’une grille salariale appropriée.» L’augmentation de 2,5 %, qui faisait partie des revendications dans le cadre du renouvellement de la convention collective, n’est d’ailleurs pas un affront, mais une nécessité lié au coût de la vie.

Cela risque de durer

Si il est vrai que l’ambiance entre les grévistes est bonne et que le grand nombre de sympathisants qui se relayent sur le site est louable, il n’en pas moins vrai que la lutte des camarades n’en est qu’à ses balbutiements.

Au vu des mesures et actions entreprises par la direction (actions en justice pour déloger les grévistes, harcèlement, recours à des briseurs de grève, etc.), il y a fort à croire, que cette grève risque de durer. En effet, il nous a été possible d’être témoins d’une «discussion» entre Frédéric Jacquot (Production and Maintenance Manager) et des grévistes. Ci-après quelques déclarations des plus croustillantes…

«La grève est une erreur et les conséquences sont à charge des ouvriers»…«La déléguée Salilah vient de foutre en l’air les jours de fête des salariés AMPACET»… «...en parlant avec des salariés, j’entends un autre son de cloche, qu’en écoutant les syndicalistes»

Il y en avait d’autres de ces phrases qui fâchent, car m, car même si M. Jacquot a bon entendre d’autres sons de cloche, la fait est que la grève a été votée à plus de 90 % ( !) par justement les salariés d’AMPACET, et ce après que la direction ait décidé de brûler tous les ponts …

Retenons donc, que c’est bel et bien la direction d’AMPACET qui a torpillé les négociations concernant le renouvellement de la convention collective. Faire la sourde oreille pendant près de 18 mois, dénoncer la médiation et refuser tout dialogue avec les représentants légaux du personnel en dit assez long. Il faudra pourtant renouer le dialogue, pour que la production puisse redémarrer. A cela une condition: Rétablir la convention collective et satisfaire aux justes revendications des travailleurs.