Kultur28. Februar 2025

Un film sur des détenus qui développent des compétences grâce à l’art

«Sing Sing», un drame carcéral profond et constructif

de Michel Schoeder

«Nous sommes tous là pour redevenir humains». Basé sur des faits réels, «Sing Sing» est un drame carcéral non conventionnel puisqu’il met en lumière le programme de réhabilitation par les arts de la prison de Sing Sing dans l’Etat de New York.

Le réalisateur Greg Kwedar s’intéresse au pouvoir transformateur et réparateur de l’art sur les gens habituellement renfermés et sur leurs gardes qui acceptent ici d’être eux-mêmes et surtout vulnérables dans ce groupe de théâtre qui leur permet de s’exprimer et de s’évader.

Loin de la violence et de la dure réalité du milieu des prisons, même si le réalisateur nous fait des rappels sur le difficile quotidien dans une prison, «Sing Sing» est un film authentique, intimiste, puissant et profondément humain

L’acteur Colman Domingo, qui est notamment entouré d’anciens détenus qui ont participé à ce programme, livre une performance magnétique et poignante. On se prend facilement d’affection pour ce groupe de détenus qui se forme à travers des moments de solidarité et surtout de partage sur ce qu’ils ont vécu et ce qu’ils souhaitent vivre une fois dehors.

Des témoignages émouvants émaillent ce film bien équilibré qui n’est jamais larmoyant.

A travers une réalisation oscillant entre onirisme et réalisme, cette adaptation de l’œuvre de Brent Buell et de John H. Richardson propose une vision différente du milieu carcéral que celle que l’on nous sert habituellement au cinéma, plus humaine et plus optimiste aussi.

Présenté au Festival de Deauville, ce film est d’abord un bel hommage à la force de l’art et à l’impact qu’il peut avoir sur des êtres pleins de remords (ces mauvaises actions du passé, devenu leur présent), mais aussi d’espoirs, rêvant d’un ailleurs en étant quelqu’un d’autre.

Le casting du film est composé d’acteurs professionnels, mais principalement de véritables anciens détenus.

Cette œuvre cinématographique, très souvent à fleur de peau, filmant les visages, les mots et les émotions enfouies qui émergent ici ou là, de manière posée ou plus explosive, plus imprévisible, plus instable, mais toujours de manière profondément humaine.

Finalement, le théâtre n’est rien d’autre qu’un reflet de la réalité dans laquelle chacun peut se trouver à telle ou telle étape de sa vie, et une passerelle vers son véritable moi intérieur, avec ses failles et ses erreurs, mais aussi avec ses rêves et ses espoirs.

Devenir honnêtes et vulnérables, c’est ce que les détenus ont finalement rarement l’occasion de faire au quotidien dans cet univers clos, un univers qui cherche à tout prix à les persuader qu’ils sont à leur place en prison et qu’ils ne changeront jamais.

Inspiré d’une histoire vraie, ce film nous plonge au cœur de cette initiative qui a, depuis son inauguration en 1996, démontré son efficacité, avec un taux de récidive proche de 0 % pour les détenus y ayant participé.

Vibrant hommage à la puissance du théâtre, «Sing Sing» est finalement une fable pleine d’humanité, où la noirceur des conditions d’incarcération s’estompe dès que le spectateur pénètre la salle de répétition.

Avec une approche documentaire et une authenticité qui transpire à chaque instant, le film n’oublie pas d’évoquer la réalité de ces prisonniers qui sont au ban de la société, des fouilles humiliantes à la férocité nécessaire à certains pour survivre.

Le réalisateur nous offre une œuvre émouvante et saisissante, exploration de la psyché humaine bien plus que des entrailles pénitentiaires, où les murs de béton enferment moins que les esprits.

Avec Colman Domingo, Clarence Maccin, Sean San José, Jon – Arian Velasquez, Sean Dino Johnsson, Paul Raci, Patrick Griffin.