Kultur06. Januar 2024

Au Malmundarium de Malmedy jusqu’au 2 février

Les peintres intimistes de Verviers, un art familier et de proximité

de Michel Schroeder

C’est à Malmedy dans les cantons de l’Est de Belgique, à 25 minutes en train de Troisvierges, que se situe le Malmundarium au 10, place du Châtelet. Voisin de la cathédrale de la petite ville ardennaise, le Malmundarium a été organisé dans l’ancien monastère bénédictin. Au rez-de-chaussée, plusieurs espaces muséaux vous accueillent: le cuir, le papier et sa fabrication, le carnaval, le trésor de la cathédrale. Des expositions temporaires sont également montées dans cet espace culturel particulièrement attrayant. Ouvert du mardi au dimanche, de 10 à 17h, il vous sera possible d’y visiter, jusqu’au 2 février, la très belle exposition «Les intimistes Verviétois».

Des artistes qui pénètrent l’essence des choses

Ce qui nous a particulièrement fascinés, ce sont les sujets peints par ces artistes que l’on a également baptisé les «peintres de l’école verviétoise». Au fil de cette exposition vous verrez beaucoup de paysages, ainsi que des éléments de la vie quotidienne. Cet art de proximité avec la population a fait que ces artistes aient été fortement admirés. A la même époque, d’autres écoles prestigieuses ont œuvré: la liégeoise, mais aussi l’ardennaise, avec à sa tête Albert Raty et Marie Howet.

Pierre Stellan, critique d’art de l’époque, avait écrit au sujet de l’exposition des œuvres réalisées par les peintres de Verviers montrée en 1913 à Liège: «Ces artistes parviennent à pénétrer l’essence, l’âme des choses». Tandis que Charles Delchevalerie avait écrit: «Ces peintres verviétois exécutent des paysages familiers, des intérieurs et s’émeuvent, comme les intimistes français, des faits ou des visions de la banalité quotidienne».

Poésies de l’intime

Alphonse Lejeune (1888-1950) manie le fusain, le pastel ou la sanguine avec une technique remarquable. Chacune de ses œuvres est sentie et méditée, merveilleusement dessinée et minutieusement achevée. Sa peinture se ressent comme une poésie de l’intime. Lejeune traitait ses sujets avec une extrême simplicité, d’où l’émotion qu’il suscite tout naturellement.

Né en 1910, disparu en 1974, Paul Schmitz aimait montrer ces grands paysages où les collines enneigées invitent à rentrer en soi-même comme dans l’intimité des foyers. L’artiste a apporté à sa peinture du fantastique, voir du surréalisme proche de la peinture naïve.

Mille et un paysages ont inspiré leurs œuvres

Jean Julémont (1904-1979) était principalement paysagiste. Il doit son sens pictural en ce domaine à ses années d’enfance, lorsqu’il accompagnait son père boulanger dans ses tournées de livraison le long des petites routes serpentant sur les collines de la Vallée de la Vesdre.

Pierre Delcour (1884-1976) reçut en 1965 la médaille de vermeil et, en 1966, celle d’or, du Conseil européen d’art et d’esthétique. L’artiste trouve son inspiration dans les paysages des Ardennes, du Brabant, des Fagnes et de la Provence. Vers la fin de sa vie, Pierre Delcour exécuta de petites sculptures en bois d’une originalité remarquable.

Jusqu’à la Première Guerre mondiale, Philippe Derchain (1873-1947) peint d’après nature des paysages mélancoliques et des intérieurs, à l’aquarelle ou à l’huile. La peinture de chevalet en plein air étant interdite par l’occupant, il s’adonne plus au travail en atelier et peint de mémoire des paysages qu’il observe lors de ses promenades. Devenu directeur de l’Ecole des Arts décoratifs de Verviers en 1945, Philippe Derchain, paysagiste de la Fagne et de l’Ardenne, de leurs villages et des intérieurs de leurs maisons, a son œuvre présente dans de nombreux musées.

En 1917, Yvan Cerf (1883-1963) sera volontaire de guerre dans la section artistique afin de représenter les faits de guerre et la vie au front. L’artiste excelle dans le portrait, mais réalise aussi des natures mortes, et sa technique précise traduit à la perfection les moindres détails d’un paysage, en lui conservant son caractère.

Les travaux et les jours, l’habitat

Laurent Léon Herve (1889-1956) a reçu les éloges de nombreux critiques. Sa manière de peindre est différente. Il a des procédés bien à lui, fruit de ses longues recherches. C’est un patient, un laborieux, qui doit travailler lentement, posément, minutieusement, consciencieusement.

Né en 1872, décédé en 1968, Maurice Pirenne a été, de 1910 à 1948, le conservateur du Musée de Verviers. La peinture de cet artiste est sobre, simple, mélancolique et poétique. Au début de sa carrière, il peint de grandes huiles des Fagnes et des environs de sa ville natale. Ensuite, il passe aux petits formats pour reproduire, principalement au pastel, des paysages urbains et des scènes de la vie familiale. Il a peint jusqu’à la fin de sa vie, survenue à l’âge de 96 ans. Devenu quasi aveugle, il va peindre de mémoire toutes ces choses qui lui ont été chères.

Georges Le Brun (1873-1914) s’est retiré en 1894 dans un coin des Hautes Fagnes et se consacre à son art, qu’il vit comme un accomplissement personnel. En s’établissant à Xhoffraix, au milieu de nulle part, sans autres compagnons d’abord que ses chiens et ses livres, il prend position, comme d’autres artistes symbolistes, contre la société bourgeoise, l’industrialisation, le monde marchand de l’art. Il leur préfère les villageois qu’il considère comme dépositaires de valeurs perdues. Les travaux et les jours, la solitude du travailleur et du foyer sont, avec le paysage environnant, les seuls thèmes de son œuvre baignée d’emblée d’une qualité silencieuse et d’un sentiment mystérieux des lieux. Désuète par moments, pittoresque à d’autres, son œuvre se situe sur le versant intimiste du symbolisme belge.