Aus den Betrieben22. April 2021

Les actionnaires du fonds d'investissement AIAC poussent la direction d’Eurofoil à casser la convention collective

«Nous ne permettrons aucune régression!»

Entretien avec le secrétaire syndical Patrick Freichel, et les délégués du personnel Maïte Bersweiler et Eric de Fremond

de Ali Ruckert

es salariés de l'entreprise Eurofoil, située dans la zone industrielle Riedgen près de Dudelange, sont à la fois choqués et disposés à lutter. Choqués, parce que la direction de l'entreprise veut détruire leur convention collective, et disposés à lutter, parce qu'ils veulent tout faire pour se défendre contre l'atteinte à leurs acquis sociaux tels que prévus dans la convention collective.

Le secrétaire central de l'OGBL, Patrick Freichel, qui a déjà, lors de deux rassemblements de protestation devant les portes de l'usine Eurofoil, incité les membres du personnel à se défendre de manière conséquente contre la menace de régression, parle de «provocation», voire de «déclaration de guerre». Il s'agit d’une tentative de la direction de faire des économies sur le dos des salariés, et de modifier la convention collective au détriment du personnel.

Carnets de commandes pleins, production élevée, bénéfices importants

La direction avait dénoncé la convention collective après le début de la crise sanitaire, affirmant que l'entreprise était mal en point et qu'il fallait donc faire des économies. Les carnets de commandes complets, les chiffres de production élevés et les bénéfices importants, avaient suscité la stupéfaction du personnel, qui a toutefois dû assister à l'augmentation de la pression, et à la détérioration des conditions de travail, qui ont engendré de graves accidents de travail. Le taux d'exploitation chez Eurofoil est élevé, puisque 240 travailleurs fournissent aujourd'hui le même tonnage qu'en 2016, alors qu'il y avait à l’époque 320 travailleurs.

«Nous soupçonnons que l'évolution négative à laquelle nous sommes confrontés actuellement provient des actionnaires du fonds d'investissement American Industrial Acquisition Corp (AIAC), propriétaire d'Eurofoil» déclare Patrick Freichel. «Ils mettent en avant Mario Vagli, leur homme des sales besognes, qui agit comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, pour imposer la stratégie des actionnaires.»

L'AIAC est un fonds d'investissement basé à New York qui opère à l'échelle mondiale dans de nombreux secteurs économiques, notamment la sidérurgie et la transformation des métaux, l'aérospatiale, l'industrie pharmaceutique et l'armement, qui achète et vend des entreprises, et dont la tâche consiste en fait essentiellement à générer des rendements élevés aux actionnaires. En contrepartie, on saigne les salariés !

Dès le début des négociations de la convention collective, la direction d'Eurofoil a non seulement rejeté catégoriquement les revendications syndicales, qui réclamaient notamment une augmentation de salaire, des congés supplémentaires, un ajustement du pécule de vacances, une majoration de 15% pour le travail de nuit, ainsi qu’une prime Covid de 500 euros bruts, mais elle a aussi carrément exigé que la dégradation des conditions soit inscrite dans la convention collective. Les salariés d'Eurofoil se sont jusqu'à présent défendus contre cette mesure par deux actions de protestation.

D’irrespectueux casseurs

Les négociations ont échoué et la volonté du syndicat et de la délégation du personnel de trouver une solution diplomatique s'est heurtée au mur du patronat.

«Le 18 avril, non seulement nous avons eu les négociations les plus courtes de l'histoire d'Eurofoil, déclare Maïte Bersweiler, secrétaire de la délégation du personnel – la réunion de négociation ayant duré à peine cinq minutes – mais on nous a également présenté une proposition encore plus irrespectueuse du personnel que la précédente.»

L'entreprise veut mettre la main-d'œuvre sous pression en n'appliquant pas les acquis sociaux précédents aux salariés nouvellement embauchés. Leurs congés seraient limités au minimum légal de 26 jours, le pécule de vacances ne serait versé qu'après 15 ans de service, et le 13ème mois qu'après 20 ans.

Une nouvelle grille de salaire est prévue avec la création d’un groupe pour salariés embauchés récemment et intérimaires, afin qu'ils gagnent jusqu'à 6 euros de moins de l’heure. Cette situation est inacceptable et doit être empêchée par tous les moyens, car elle creuserait un fossé entre les salariés, et détruirait la politique salariale pratiquée les dernières décennies, déclare Maïte Bersweiler.

Eric de Fremond, vice-président de la délégation du personnel, soupçonne la direction de jouer avec des cartes truquées, afin de faire pression sur les salariés. «Une partie des commandes d'Eurofoil Dudelange est détournée vers l'usine Eurofoil de Rugles, en Normandie, tandis qu'une grande partie du personnel est en chômage partiel, malgré que les carnets de commandes sont pleins et que la production de feuilles d'aluminium tourne à plein régime. Eurofoil se sert de l'Etat, mais n'est pas prêt à payer aux employés les 20% de perte de salaire», déclare le délégué du personnel. Il souligne qu'entre-temps, la direction a même modifié le plan d'organisation sans demander l'accord de la délégation du personnel, ni même l'informer.

Eric de Fremond critique le fait qu'il n'existe pas de plan industriel pour l'avenir et qu'aucun investissement majeur n'est prévu. Il soupçonne la direction de vouloir intimider le personnel, et briser la convention collective afin de créer des conditions propices pour permettre au fonds d'investissement AIAC de vendre Eurofoil de manière plus avantageuse.

Ce qui n’est pas connu de toutes et tous : début 2020, le fonds d'investissement AIAC a déjà vendu la société berlinoise Eurofoil Paper Coating GmbH, qui produisait des matériaux d'emballage métallisés.

L’importance de la solidarité

L'acharnement à vouloir briser la convention collective chez Eurofoil laisse penser que le patronat veut faire un exemple, note le secrétaire syndical Patrick Freichel, et il tient à souligner que le patronat d'autres entreprises, où il y a des tendances similaires, pourrait avoir des idées si Mario Vagli et consorts parviennent à faire régresser les acquis sociaux des travailleurs chez Eurofoil. «C'est pourquoi nous devons nous battre avec tous les moyens syndicaux pour empêcher les détériorations et faire aboutir nos revendications», déclare Patrick Freichel, qui est optimiste quant au fait que le personnel d'Eurofoil est combatif.

Un dernier round de négociations a été annoncé pour mercredi prochain, mais si le patronat s'entête, un mouvement de grève sera inévitable. Et ensuite, cela dépendra de la solidarité de tous. Patrick Freichel, Maïte Bersweiler et Eric de Fremond s’accordent sur ce point !