Kultur

Jacques Philippe Hébert révolutionne...

...lapeinture. Car, contrairement à son ancêtre (?) Jacques-René, qui voulait fonder avec Danton, Robespierre et autres Marat une nouvelle société, Jacques Philippe Hébert créera, lui, un nouvel art. Mais commençons par le commencement. Cet étonnant créateur nous vient en droite ligne du Canada où il naît en 1952. Il passe bonne part de sa vie à Laval ( 16 Km de Montréal), et il complète ses études artistiques au Cégep du Vieux–Montréal. Mais l’Euréka, l’appel de l’art, l’envol, se fera encore attendre quelques temps. Peut-être n’est-il pas encore vraiment sûr que l’art nourrisse son homme ? Quoi qu’il en soit, le jeune Jacques Philippe se lance d’abord dans le business. Mais la muse finit toujours par vous rattraper. En 1998 c’est chose faite et, quoique n’ayant pas encore vraiment trouvé sa voie, mais visant déjà à réaliser cette synthèse entre figuratif et abstraction, qui l’inspire encore aujourd’hui, il réussit sa percée en moins de quatre années.

Et c’est en 2002 qu’il est proclamé »Découverte« au Salon International d’automne des Beaux-arts de Montréal. Suit le succès de sa première exposition en solo l’année suivante. Mais en dépit de cela, Hébert ne semble pas être entièrement satisfait. Et quel véritable artiste l’est-il jamais ? Alors on cherche plus loin, on expérimente, on accumule les prospections, les ratés, les demies réussites, voire les francs succès, mais... On se sait capable d’autre chose, de mieux encore, on veut aller au-delà... Jusqu’au jour où, lors d’un voyage en Italie, on découvre Venise et à Venise Murano. Et là, tout comme moi-même lorsque je m’y rendis il y a quelques années, Hébert resta ébahi par la maestria des souffleurs de verre et des artisans du vitrail dans leur parturition des créations les plus diverses à partir de la matière incandescente. Voilà ce qu’il cherchait ! Cependant, loin de vouloir les copier, ou, moins encore, s’approprier leur art, il va s’en inspirer, apprendre certaines techniques du travail du verre, comme la vitrofusion, et les adapter, lui, le peintre, à son expression artistique et la dépasser.

C’est de venir admirer les travaux de l’authentique inventeur d’une nouvelle technique picturale, que nous propose cette fois Claude Truchi, le »maître des forges« de La Galerie.(1) Cette technique est d’ailleurs loin d’être figée, acquise, établie une fois pour toutes. Certes, la peinture d’Hébert rassemble toujours éléments figuratifs et abstraction.

Insérée le plus souvent dans un cadre onirique, elle flirte parfois avec le surréalisme. De plus, elle évolue, bien sûr, et l’artiste ne cesse de courir le monde à la recherche de nouveaux sujets, mais aussi d’objets décoratifs. Aujourd’hui il nous présente treize tableaux qu’il faut se dépêcher de découvrir, avant qu’il reparte au Canada courir d’autres lièvres, créer autre chose, ouvrir de nouvelles fenêtres sur son monde fantastique et se découvrir d’autres passions : sculptures, installations, que sais-je.

L’exubérance chromatique et formelle qui nous accueille cette fois à La Galerie est époustouflante. À certains égards il me rappelle la vivacité des compositions de Michel Fouarge(2), ou d’Adriana Woll.(3) C’est leur côté Nouveau Monde et c’est à tous trois que peut s’appliquer ma réaction d’abord un peu coincée puis charmée devant les toiles de Michel en janvier 2008, dont je vous rappelle les quelques lignes : »... ce que j’y aperçus était de toute beauté. »Un rien kitch tout de même, non ?« , insinua méchamment mon esprit critique. »Tu n’abandonnes jamais, toi.« lui lançai-je, furieux, car déjà touché par les premiers sortilèges fouargiens, je poussais sans plus attendre la porte de la galerie. Là (...) je découvris un univers de pure poésie« .

Certes, la vitrification des toiles préalablement peintes et fixées sur bois (question de rigidité), leur vitrification donc et l’intense brillance qui en résulte, ainsi que l’ajout de relief dans la masse vitrée, de perles, boutons en verre de Murano ou autres éléments décoratifs, peut faire clinquant. C’est un autre monde, le Nouveau, comme je disais plus haut. Très appréciée de l’Alaska à la Patagonie, cette luminosité étincelante qui doit bonne part de son attrait sur les artistes transatlantiques à des éléments afro-amérindiens, pourrait avoir du mal à convaincre chez nous. Mais les temps changent, et le propre des images féeriques n’est-elle pas justement de déranger et de surprendre la raison, puis d’enchanter l’esprit ?

Je pense à cette tête de femme végétale masquée d’orange, à cet hybride de vampire et de papillon chatoyant de toutes les nuances de l’ambre, à ce paysage abstrait inclus dans une géode et traversé d’une branche onirique, ainsi qu’aux trois petites toiles à droite au fond de la salle qui incarnent tout un monde souterrain à l’éclat volcanique, ou à cette plante surréaliste l’air d’être née d’un scorpion noir... etc., etc. À suivre, en direct, à La Galerie, amis lecteurs, car les mots n’ont plus beaucoup de sens devant cette orgie visuelle qu’ils sont bien incapables d’illustrer.

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1) La Galerie, 10-16 place de la Gare, Luxembourg ville, tel 269 570 70, (Passage Alfa, en face de la gare), expo Jacques Philippe Hébert jusqu’au 12 juillet – lundi à vendredi 14-18,30 h, samedi 14,30-18 h.- www.lagalerie.lu

2) Quoique bien de chez nous, Michel est très influencé par la culture pop contemporaine et »vidéo-MacDo-Nintendo« dont il arrive à extraire une étonnante poésie. J’ai présenté son expo dans la Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek du 9.2.2008

3) Adriana Woll est Brésilienne et je vous l’ai présentée dans la Zeitung du 10.2.2009 à l’occasion de son expo »Redondo« avec Albert Edon et Lino Galvão, (archives www.zlv.lu)

Giulio-Enrico Pisani