Une œuvre intense et colorée
«Voix des terres rouges» de la compositrice Catherine Kontz
La Salle Artikuss de Soleuvre a servi de cadre pour un concert donné récemment par l’Orchestre national de Metz, placé sous la direction de Pieter-Jelle de Boer. Au programme, «L’amour sorcier», du compositeur espagnol Manuel de Falla. Après cette œuvre d’une vingtaine de minutes, entracte. Le public attendait la suite avec impatience. Figurait au programme la nouvelle composition de Catherine Kontz, «Voix des terres rouges», dans le cadre d’Esch 2022.
Nous avons déjà assisté à deux reprises à des premières d’œuvres de la compositrice luxembourgeoise, notamment de son opéra «Neige» inspiré du texte de Maxence Fermine, joué au Grand Théâtre, ainsi que de son opéra «A certain Sense of Order», sur un poème d’Anne Sexton, joué au Théâtre du Centaure. Plus récemment, à la Philharmonie, de son œuvre «The Waves», une composition qui nous avons marquée par son expressivité et sa dramaturgie décomposée.
Les musiciens de l’Orchestre national de Metz et leur dirigeant Pieter-Jelle de Boer ont regagné leurs emplacements, puis ont occupé l’arrière de la scène, les 89 choristes des Chœurs de l’INECC, mission Voix Lorraine et Luxembourg et leur directrice Adriana Mitu.
Voix des terres rouges a été commandé à Catherine Kontz par la Cité musicale de Metz. Le projet de cette œuvre d’une durée de 53 minutes était d’exprimer et de traduire en musique la géologie particulière du Bassin Minier, ainsi que son histoire, une histoire partagée entre deux pays, le Luxembourg et la France.
Les textes déclamés par les voix intenses et profondes du Chœur sont de la plume de Carla Lucarelli, actrice et écrivaine luxembourgeoise et de Gilles Ortlieb, écrivain qui a remporté en 2012 le Prix Servais.
Dans notre Bassin Minier, la terre varie de couleurs et de coloris, elle est grise parfois, ou jaune, ou brune. Il lui arrive même de posséder des coloris noirs. Sous nos pieds, lorsque nous parcourons le Minett, la terre est encore chargée de minerai.
L’œuvre de Catherine Kontz a embarqué auditrices et auditeurs dans une importante description des terres, mais aussi et surtout de l’histoire de la Grande Région, une histoire souvent chargée de drames. Surgissent des personnages, des figures qui ont marqué la région.
Esch-sur-Alzette est souvent à l’honneur. On découvre le village d’Esch en 1842, on suit son évolution, tout comme on suit l’évolution de l’activité dans les mines, de la sidérurgie. Les ouvriers italiens prennent vie sous la plume des auteurs, mais aussi et surtout sous l’inspiration de Catherine Kontz. Ces ouvriers italiens réputés gueulards, voraces, épuisés le soir. On parle, dans cette œuvre, des mains écorchées qui saignent abondamment, car le labeur est rude.
Puis on découvre les Hauts-Fourneaux, on nous raconte la différence des classes, de ce minerai qui a été à la fois richesse et cauchemar. On parcourt la région, d’Esch-sur-Alzette à Dudelange, en passant par Audun-le-Tiche, Hagondange et Villerupt.
Passe dans un champ de mirabelliers un cheval roux, ailleurs on revit Esch en 1900, avec ses 10971 habitants, son réseau d’éclairage électrique. Oui ce bourg rural s’est transformé en petite cité !
Les fantômes laissés par la Grande Guerre sont présents, Verdun, Metz, Sedan, Longwy, toutes ces villes de garnisons également. Les troupes allemandes violent la neutralité du Luxembourg.
Les petites histoires des gens s’inscrivent, dans cette œuvre, dans l’Histoire locale, dans l’Histoire tout court.
Des dizaines de détails jalonnent cette composition qui entrera dans l’histoire. Les auteurs ont effectué de nombreuses recherches, sillonnant un éventail historique volumineux, le rendant très accessible au public.
Dans la partie chorale de «Voix des terres rouges», au sein du chœur mixte, femmes et hommes chantent ensemble ou par partie, des effets d’écho passent d’une voix à l’autre. La compositrice a veillé à ce que le texte puisse être bien entendu et compris du public.
Catherine Kontz, au niveau des tonalités de l’orchestre, a privilégié les bois et les cuivres qui confèrent des couleurs sonores à l’ensemble de l’œuvre et soutiennent merveilleusement bien les parties vocales.
Merci à toutes et tous, musiciens, choristes, chef d’orchestre et chef de chœur, merci à Catherine Kontz pour cette belle soirée, pour cette composition soignée et intense.