Fleurs de lune et autres romans et films exceptionnels
La chronique familiale est un domaine où ont toujours excellé les romanciers américains – et surtout les romancières américaines, plus promptes peut-être à nous faire saisir toutes les nuances de la psychologie de leurs personnages et nous faire sentir de façon quasi charnelle le caractère un peu magique de certains décors de l’Amérique profonde. C’est dans ce cadre que se situe d’emblée le roman de Jetta Carleton, mais, comme tout livre hors du commun, il ne tardera pas à en déborder, sournoisement, puis parfois brutalement. Les vrais romanciers sont ceux qui savent ne pas abattre d’emblée toutes leurs cartes devant le lecteur et retourner, à un moment précis, celle qu’on n’attendait pas. Or à ce jeu, Jetta Carleton se révèle d’une inégalable virtuosité. Lorsqu’elle nous présente, dans le décor merveilleusement évoqué de sa vieille ferme du Missouri, la famille Soames, nous pensons un bon moment avoir tout su et tout compris de celle-ci, et notamment du couple formé par les parents : Matthew, sévère directeur d’école en retraite, à cheval sur les principes, respecté et un peu craint de tous, et Callie, parfaite ménagère en perpétuelle activité, plus souple peut-être que son mari, mais se conformant aussi aux normes de ce pays. Leurs filles, elles sont déjà différentes, bien sûr, mais attentives à ne pas choquer leurs parents. Lorsque nous faisons leur connaissance dans les années 1950, toutes ont déjà leur existence propre, leurs expériences particulières, mais toutes savent que la famille et la vieille ferme familiale viendront chaque été les reprendre et les attirer comme un aimant, qu’elles reviendront contempler ensemble ces merveilleuses et mystérieuses fleurs de lune qui s’épanouissent à la nuit et flétrissent au matin. Puis soudain, l’auteur nous fait découvrir ses personnages sous des aspects confidentiels, parfois inavouables. Les fleurs de lune, roman de Jetta Carleton, a été publié aux Editions De Fallois.
Manoel de Oliveira est l’un, sinon le plus grand réalisateur Portugais. Epicente Films (www.epicentrefilms.com) vient de publier en version DVD Christophe Colomb, l’énigme de Manoel de Oliveira. Ce film est d’une beauté, d’une grandeur, mais également d’une simplicité telles, que la poésie dans les images, les propos, les dialogues, est permanente. Dans les années 40, Manuel Luciano pris la décision de tout mettre en œuvre afin de découvrir la véritable identité de Christophe Colomb. Dans ses multiples voyages entre le Portugal et les Etats-Unis, toujours accompagné de sa femme, l’autre grande passion de sa vie, Manuel Luciano est le témoin de nombreux changements dans le temps et dans l’espace. Aujourd’hui, il est sur le point de dévoiler les mystères du célèbre explorateur. Mais un dernier voyage dans la maison qui a vu naître le grand navigateur lui est nécessaire. Ce film est d’une suprême et rare élégance.
Un homme louche, roman de François Beaune, publié aux Editions Gallimard (www.gallimard.fr) est un roman en deux parties. Il s’agit de deux époques de la brève existence de Jean-Daniel Dugommier. C’est l’histoire d’un adolescent précocement in-terné puis, après une ellipse de vingt-cinq ans, celle d’un adulte quasi normal portant un regard brutalement distancié sur son passé, son entourage et l’insolite du quotidien. François Baune, dont c’est le premier roman à être publié, possède un talent farouche, à l’humour noir so british.
Quatre amis, Kim, Gunnar, Ola et Seb, sont réunis par leur passion pour les Beatles. Ballottés entre histoires d’amour balbutiantes, rêves de grandeur et petites déceptions du quotidien, ils ont quinze ans et sont inséparables. Leurs aventures jusqu’à l’âge adulte sont racontées par Kim, le plus ambitieux mais aussi le plus fragile. Chaque chapitre a pour titre et pour thème une chanson des Beatles. Beatles, roman de Lars-Saabye Christensen, publié aux Editions Jean-Claude Lattès (www.editions-jclattes. fr ) est la chronique d’une génération d’adolescents des années 60. Ce roman est un livre culte de la littérature contemporaine norvégienne.
En attendant de devenir un écrivain célèbre, Eric Cash gère un restaurant du Lower East Side, quartier de New York à double visage avec ses lieux branchés pour bobos et ses vieux immeubles où cohabitent dealers et immigrés clandestins. Deux mondes qui entrent en collision quand Eric et deux de ses barmans se font braquer un soir de bringue. Dans son roman Souvenez-vous de moi, publié aux Presses de la Cité (www. presses delacite.com), Richard Price dépeint la vie quotidienne de ses personnages avec une telle énergie, une telle subtilité, un sens si aigu de la psychologie que tout prend vie pour le lecteur : un tableau brut, bouleversant de New York et de ses habitants.
Si nous nous réveillons par temps calme du danois Jens Rosing, publié aux Editions Paulsen (www.editionspaulsen.com) est la chronique d’une vaste lignée groenlandaise qui, pendant plus d’un siècle, a vécu et marqué la côte de Blosseville. Il s’agit du portrait de gens à l’image de la région qu’ils ont peuplée : rudes, sombres, risque-tout. Jens Rosing, qui a passé une partie de son enfance parmi les Est-Groenlandais, tente dans cet ouvrage de perpétuer la mémoire collective de cette lignée inuit, transmise oralement depuis le XIXème siècle. Cette saga groenlandaise d’un réalisme inhabituel est traduite pour la première fois en français. Originaire du Groenland, Jens Rosing est né en 1925. Dessinateur et écrivain, il a illustré de nombreux ouvrages. Dans son travail, il s’est beaucoup inspiré des paysages et folklore groenlandais. Il a pris part à plusieurs expéditions au Groenland pour le compte du Musée National du Danemark et a dirigé le Musée du Groenland entre 1976 et 1978.
Michel Schroeder