Au cinéma :
«I’m still here – Je suis toujours là»
Un film sur des ravages de la dictature militaire au Brésil
Le réalisateur brésilien Walter Salles subjugue le public dans une fresque familiale vertigineuse qui dissèque avec force les ravages de vingt années de dictature militaire au Brésil.
Grâce à son film «Central do Brasil», lauréat de l’Ours d’or 1998 et du Golden Globe du meilleur film en langue étrangère, il avait réussi à replacer son pays sur la carte du cinéma mondial. Il avait ainsi inauguré une génération de réalisateurs brésiliens remarquables.
Les actrices et acteurs principaux de sa nouvelle œuvre cinématographie qui vient de sortir en salle sous le titre «I’m still here – Je suis toujours là», sont Fernanda Torres, Fernanda Montenegro, Selton Mello et Valentina Herszage.
Nous sommes à Rio de Janeiro en 1971, au temps de la dictature militaire. La grande maison des Paiva, située près de la plage, est un havre de vie, de paroles partagées, d’échanges avec les habitants du quartier, de jeux et de rencontres. Ce temps idyllique cesse le jour où des hommes du régime viennent arrêter Rubens, le père de famille, qui disparait sans laisser de traces. Son épouse Eunice et ses cinq enfants mèneront alors un combat acharné pour rechercher la vérité.
Lauréat du prix du meilleur scénario à la Mostra de Venice, ce film, alors qu’il commence à cartonner en Europe, a déjà séduit des millions de spectateurs en Brésil. Le Golden Globe de la meilleure actrice dramatique a été remis à Fernanda Torres qui incarne Eunice dans ce film brillant.
Walter Salles, avec ce film magistral, nous offre un témoignage historique et dramatique de son propre pays qui a connu les ravages d’une dictature militaire entre 1964 et 1985. Mais le film ne s’appuie pas sur une description socio-historique d’un moment de l’histoire du Brésil, mais repose sur la bataille que mène une mère de famille, Eunice Palva, pour retrouver son mari, ancien député de gauche, qui disparaît du jour au lendemain dans les griffes de la police.
Et c’est là tout l’intérêt de ce film, à savoir de donner la parole à une famille qui doit continuer à vivre malgré l’enlèvement tragique d’un père et époux, sans savoir s’il est mort sous la torture ou s’il croupit encore dans une prison brésilienne.
L’horreur de la dictature militaire au Brésil est d’autant plus vive qu’elle habite le quotidien d’une femme et de ses cinq enfants qui doivent survivre malgré le harcèlement orchestré par le pouvoir milliaire. Le fait de témoigner des ravages de la dictature militaire à partir du quotidien fragile d’une famille rend les choses beaucoup plus fortes que la seule restitution d’images de militaires dans la rue. Certes, le film est émaillé de scènes qui ont été filmées lors de la dictature militaire.
Le spectateur est en permanence étreint par ces scènes d’intérieur où se joue le drame d’une famille qui ne peut pas faire le deuil du père disparu et tente de se reconstruire malgré la mécanique de la dictature qui pèse sur le passage des jours.
Le réalisateur refuse de succomber aux poncifs du mélodrame. Les personnages dégagent au contraire une très grande dignité et une ferveur, teintée d’espoir de retrouver un jour l’homme disparu. On comprend dès les premières séquences du film que le pouvoir brésilien, avec ses hélicoptères qui survolent la mer, recèle bien des secrets concernant les disparitions de militants opposés au régime. Le film plante d’ailleurs le décor dès le début avec cette scène terrifiante où l’on assiste à l’arrestation arbitraire de la fille aînée avec ses camarades, alors qu’ils sortent d’une séance de cinéma, suspectés comme bien d’autres jeunes, à l’époque, de participer à ce que le régime appelle du terrorisme.
Rubens Paiva a réellement existé, d’ailleurs le film, tiré d’un livre écrit par son fils, colle à la réalité. Lorsqu’il était député à la Chambre des députés brésilienne, il s’est opposé à la mise en place de la dictature militaire. Rubens dérangeait pour ses opinions et pour son soutien au Parti travailliste brésilien, dont il a été l’un des moteurs. Il a finalement été arrêté par les forces militaires, puis torturé et assassiné. Son corps n’a jamais été retrouvé.