Kultur12. Oktober 2022

Differdange

Le destin du Lommelshaff

de Michel Schroeder

Ce fût une idée fort originale et, jouissive, que d’imaginer le destin du Lommelshaff, situé au 117, avenue Charlotte à Differdange et, de le mettre en scène de façon ludique, immersive et participative. Plusieurs représentations de «Lommelshaff, Terre Ferme» ont eu lieu pour le plus grand bonheur du public qui y a assisté.

L’auteur de la pièce est Francesco Mormino, la mise en scène était assurée par Renalde Pierlot et la scénographie par Trixi Weis. Cette excellente initiative fait partie d’Esch 2022.

C’est en l’an 2000 que le Lommelshaff a cessé ses activités. La Commune de Differdange a racheté les bâtiments, et après maintes tribulations fut décidé de le transformer en endroit culturel, avec de fortes touches sociétales.

La ferme a été construite par la famille Goullon. Par conséquence de mariage, elle devint la Ferme Lommel.

Une pièce vivante qui secoue les consciences

Amies lectrices et amis lecteurs, nous avons assisté pour vous à l’une des représentations.

Impossible de compter les entretiens que l’auteur et la metteuse en scène ont eu avec des habitants de la région qui ont connu la famille, ainsi qu’avec des membres de la famille, en tout cas ils ont été nombreux. On ne voulait surtout pas donner dans le superficiel !

La pièce s’est déroulée en plusieurs endroits : dans la structure spécialement construite dans la cour de la ferme, dans l’écurie à cochons, dans la grange. Si la météo l’avait permis, d’autres espaces figuraient également au programme, tel que le jardin par exemple.

Nous avons été invités à prendre place par des acteurs et des actrices qui nous ont immédiatement intégré à la pièce. N’étions-nous pas là, finalement, pour assister aux débats concernant l’avenir et le devenir du Lommelshaff. Des couverts d’époque auguraient un repas ! Nous allions être gâté, sur le plan gustatif, tout comme sur celui de la pièce. Et nous l’avons été, car «Lommelshaff, Terre Ferme» a rencontré un franc succès, applaudi avec ferveur comme il se doit !

Peu à peu, les membres de la famille Lommel arrivèrent. On rit, on danse même au milieu des tables, avant de passer aux choses sérieuses. Les membres de la famille sont arrivés les uns après les autres, question de suspense probablement. La dernière à arriver fut Nelly, immigrée aux Etats-Unis. On ne peut pas prétendre qu’elle arriva sans tambours ni trompettes, car c’est sur un tracteur pétaradant et grinçant qu’elle émergea dans la cour de la ferme.

Tandis que le dernier serviteur de la ferme, d’origine italienne, jouait de la musique, assis dans la charpente, une «Bouneschlupp» fut servie. On n’ignore certes pas que de nombreux ouvriers agricoles ont travaillé dans des exploitations agricoles, dans notre pays et, qu’ils y furent le plus souvent fortement exploités !

L’acteur qui joue le rôle du serviteur italien est Mö Sbiri, d’origine marocaine. Francesco Mormino interprète lui-même le rôle d’un paysan qui vit juste à la frontière française. Il va évoquer certains problèmes spécifiques au monde paysan de France. Doreen Salabert joue le rôle du plus jeune membre de ma famille, Anne Schlechter est absolument grandiose dans son rôle de Bomie.

Madame Bomie

Au début de la pièce on annonce que Madame Bomie est trop fatiguée pour assister aux débats, qu’elle a sombré dans une profonde apathie, que tout le monde irait la saluer plus tard. Finalement, une Bomie apparaît, grommelant, mal à l’aise, visiblement usée.

Quels seront les propositions faîtes par les membres de la famille concernant l’avenir du Lommelshaff ? Le public passe dans la grange pour assister aux débats.

Créer une crèche de grand luxe avec piscine, transformer les lieux en ferme pédagogique, y développer de la permaculture, y réaliser un espace culturel, ou alors vendre les bâtiments et les terres et investir cet argent dans une série de projets lucratifs ? Le serviteur est d’avis qu’il faut absolument sauver les arbres, il constate que le Lommelshaff n’est pas une ruine, mais un vestige du passé. Il propose de remettre à neuf quelques petites choses, puis de faire refonctionner le tout comme à l’ancienne.

Dans la pièce, il y a également Eliah. Eliah est la voix de la ferme, elle dit des choses fort censées, très engagées aussi, en relation avec la protection de la terre, de la faune, de la flore. Ne faudrait-il pas l’écouter, elle qui sait parler aux animaux !

Et que faire de Bomie, elle est sénile. Il faudrait la placer sous tutelle !

Soudain, Bomie se met à vociférer, sortant de sa léthargie, pour annoncer que c’est toujours elle la propriétaire du Lommelshaff. Cette chère vieille paysanne n’a pas perdu sa tête, elle a fait semblant ! Et a fini par surprendre tout le monde.

Le public a ensuite été invité à retourner dans la salle à manger, où un café et de la tarte aux pommes maison ont été servis. Chacune et chacun a été invité à écrire sur un carton quel projet il retiendrait s’il avait son mot à dire.

Le rôle destructeur de l’Union Européenne

Avec leur pièce «Lommelshaff, Terre Ferme», Francesco Mormino et Renalde Pierlot ont mis le doigt dans la plaie de problèmes à hauteur de l’Europe. Renalde Pierlot s’est expliquée : L’Union Européenne est la première responsable d’un monde d’agriculteurs et d’éleveurs de bétail qui se sentent forcés de pratiquer la production de masse. L’UE est finalement une empêcheuse de tourner en rond, elle ne favorise ni la permaculture, ni la culture bio, ni la culture écoresponsable.

Dans une dizaine d’années la très grand majorité des paysans seront âgés de plus de 50 ans. Si aucune descendance ne souhaite reprendre l’entreprise familiale, il n’est pas impossible que nous vivions une situation semblable à celle qui se passe aux Etats-Unis, où Bill Gates rachète toutes les surfaces agricoles rendues disponibles. Si nous n’agissons pas et ne réagissons pas, ce sont des multinationales qui décideront ce qui va se passer avec nos terres cultivables. Un véritable drame qu’il faut éviter à tout prix.

Ne sommes-nous pas à la solde d’un capitalisme destructeur ?

Pour celles et ceux qui souhaitent visiter le Lommelshaff, ainsi que son jardin, je conseille de s’adresser au Service Culturel de la Ville de Differdange à l’«Aalt Stadhaus», info@stadhaus.lu