Kultur22. Mai 2021

Laura Bofill, une fois de plus en fleur!

de Giulio-Enrico Pisani

Comment ne pas aller jouir des dernières créations de Laura Bofill à la Galerie Schortgen (1), qui l’a invitée une fois de plus, vu le grand succès qu’eurent ses précédentes expositions et particulièrement celle de juillet 2020? Cette fois ci nous ne sommes au printemps, saison qui convient mieux encore à cette magnifique rhapsodie florale composée de fascinants tableaux charmant l’œil de leurs compositions déjà depuis ces vitrines que nous commençons à si bien connaître à Luxembourg centre. Aussi est-ce après avoir quitté le parc municipal (Vauban), traversé le boulevard Royal, coupé l’avenue de la Porte Neuve et emprunté la rue Beaumont, que je fus une fois de plus amené à m’arrêter face à cette devanture qui une fois de plus m’accrocha de ses couleurs et compositions.

Je vous avouai l’année passée combien je fus ébloui par certains de ces bustes et visages de jeunes femmes, dont la grâce n’eût pas déparé auprès des plus fines madones de la Renaissance. Aussi fus-je une fois de plus charmé, mais non surpris. L’exposition précédente obtint un tel succès, que l’on trouve un certain nombre de répétitions. C’est une chance bien sûr pour ceux d’entre vous qui n’ont pas encore découvert Laura Bofill. J’espère seulement que cette artiste plus que talentueuse ne se contentera pas à l’avenir de se reposer sur ses lauriers, mais continuera à nous présenter à l’avenir des créations aussi originales que précédemment. Je reconnais cependant, que même avec l’une ou l’autre répétition et peut-être aussi à causse d’elle, cette exposition porte une fois de plus plein d d’harmonie et de joliesse et de charmantes surprises aux cimaises de la galerie Schortgen.       

Le terme «surprise» n’est en outre pas vraiment faux, car selon toute évidence, ce n’est pas aujourd’hui que cette talentueuse artiste, que je pensais avoir commencé à connaître et à vous avoir fait découvrir, nous réserve toujours l’un ou l’autre sujet d’émerveillement. Voyez donc ce visage rêveur dans «Pensar y soñar», ou ce ravissant nu de dos, dont j’ai oublié le titre! Il ne faut jamais croire connaître artiste ou âme... Lors de ses précédentes expos, les premiers rôles dans ses tableaux étaient souvent tenus par des femmes (actrices et figurantes dans ses mises en scène d’inspiration industrielle ou architecturale: immeubles, ponts, rues, rails et leur fuite, ici divergente, là convergente, ailleurs parallèle ou spatiale). Mais aujourd’hui, tout comme la fois passée, il semble que, lasse de tourner autour du pot, elle veuille libérer la femme de tout cadre construit, pour ne plus retenir qu’elle-même en la mariant avec la nature. Son travail devient dès lors récit en soi entre des figures féminines partiellement idéalisées et les bouquets dont elle les coiffe artistement.

Rien n’est à mon avis plus doux, délicat, enchanteur, voire séduisant que cette galerie de tableaux si féminins. Il s’agit, bien-entendu, d’une séduction non pas érotique, mais s’adressant davantage au sens de l’esthétique qu’à l’esthétique des sens. Pure beauté, comme celle qui pouvait illuminer certaines madones de Raphael – version contemporaine –, les portraits souvent éthérés de cette collection charment la femme comme l’homme, l’enfant comme la personne âgée. Cependant, malgré la quasi-perfection des traits ou leur évanescence, la discrétion des teintes, l’harmonie des parures, la douceur posée des formes et visages de cette galerie de portraits semblables sans vraiment l’être, aucune monotonie ne guette. Tout est dans la subtilité des poses, des expressions, de maintes nuances que vous saisirez bien plus simplement dans leur quintessence que ne vous le dépeindraient mes paroles. Aussi laisserai-je Jules Renard vous avoir conseillé il y a bien plus d’un siècle, qu’«Il y a de l'étonnant et de la beauté dans ce qui paraît le plus simple: tu n'as qu'à extraire».

Ceci étant, le travail et la créativité de Laura Bofill plongent leurs racines dans une enfance issue d’une famille d’artistes. Ainsi Laura, née en 1983 à Barcelone et dont l’intérêt pour la peinture se manifesta très tôt, développa fortement ce goût pour l’art qui devint sa seconde nature. Après avoir suivi en 2001-2002 une formation à la «Escola Industrial» et des cours de peinture à la «Da Vinci escola d'art», puis de 2003 à 2006 des études de peinture à l’université «Escola Massana» et de 2007 à 2009 des études de cinéma à la «Escola de Mitjans Audiovisuals, EMAV», toujours à Barcelone, elle quitte l’Espagne pour Londres. Le paysage urbain semble alors devenir le sujet central de l’artiste. Son intérêt grandissant pour l’effervescence des métropoles la pousse à l’été 2005 à s'envoler pour New York, où elle s’inscrit aux cours de dessin de la «School of Visual Arts». La Grosse Pomme deviendra dès lors son laboratoire d’apprentissage, émulation et créativité.

Laura Bofill a déjà exposé dans de nombreuses galeries en Europe, comme en Suède, au Danemark, en Angleterre, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Espagne, en France et au Luxembourg, ainsi qu'en Afrique du Nord, par exemple au Maroc. Parallèlement elle présente ses oeuvres dans différentes foires d'art internationales, comme les Shanghai Art Fair en Chine, Fresh art Fair in Cheltenham en Angleterre, Affordable Art Fair à Stockholm et Amsterdam, Buy Art Fair à Manchester, Luxembourg Art Week, Art Madrid Fair, où son succès ne résulte pas seulement de son talent. Sa vision – pure beauté à premier abord – n’en est pas moins, parfois, énigmatique.

En effet, être saisi, captivé, voire ému, par son oeuvre ne signifie pas encore l’avoir comprise. Mais c’est partiellement en cela que réside le charme de ses créations. Elles font mieux encore: attirent le spectateur et l’émeuvent de plus en plus profondément entre les spires de la pensée de l’artiste, entre modèle et fleurs, en un mariage allégorique femme-nature auprès duquel l’oeuvre du célèbre Arcimboldo paraît grotesque. Laura Bofill, elle, ne nous présente pas seulement une peinture d’une grande beauté formelle, graphique et chromatique, mais cultive aussi une délicate sévérité ou, du moins, retenue. C’est qu’elle ne vous impose rien. Elle propose. Vous disposez. Ainsi que je l’écrivis déjà l’année passée, le deuxième degré vous appartient, elle l’abandonne à votre jugement et bon vouloir. Oublier un moment tout le reste ne vous sera pas difficile, car vous aurez du mal à détacher les yeux de ces représentations quasi-féériques.

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1) Galerie Schortgen Artworks, 24, rue Beaumont, Luxembourg centre. Exposition de mardi à samedi, de 10h30 à 12h30 et de 13h30 à 18h jusqu’au 3 juin.