Kultur

Serge Koch à Grevenmacher, le photographe du 21ème siècle

Ce n’est pas la première fois que je présente dans notre bonne vieille Zeitung les œuvres du génial touche-à-tout qu’est Serge Koch : poésie, peinture, gravure, photo numérique et classique ou retouchée par ordinateur et j’en passe. Difficile à situer, ce rueur dans les brancards, cet artiste atypique, tant il est toujours occupé à expérimenter, à chercher de nouvelles voies et formes d’expression artistique ! Aussi serait-il illusoire de s’attendre à tout à fait retrouver aujourd’hui, à Grevenmacher, l’artiste que nous croyons connaître en vertu de ses précédentes performances. Une brève interview sur les tenants et aboutissants de cette expo nous permettront, j’espère, d’y voir un peu plus clair.

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Giulio : C’est la première fois, Serge, que je te retrouve sur les rives de la Moselle. Qu’est-ce qui t’a amené à présenter cette nouvelle exposition ?

Serge : En fait, l’expo a été initiée par l’agence culturelle “Made in Luxembourg” (MiL), dirigée par Sonja Reichert, qui m’avait demandé il y quelques années, si ça me plairait de faire partie des artistes qu’elle désirait présenter pour certains projets sur www.madeinluxembourg.lu. C’est la 3ème fois que je participe à un projet organisé ou initié par l’agence MiL. Le premier fût une expo à Berlin avec Gust Graas, Marie-Josée Kerschen, Arny Schmit et Jean Leyder en 2008 et le deuxième, le projet “Les routes du Bois”, pour lequel j’ai créé 3 signets en 2009.

Giulio : Il me semble que cette fois tu es bien parti dans la filière photo. Il est vrai que tu travailles dans la ligne de tes précédentes expositions ; il y a continuité technique et de style. Mais j’y découvre en outre quelque chose de nouveau, de plus humain et de classique tout à la fois.

Serge : Oui, je suis resté une fois de plus dans le style de photos en noir et blanc de mes dernières expositions à Luxembourg-Ville, à savoir au Konschteck Erwuessebildung (2008), au Crédit Suisse en 2009 et au Konschthaus beim Engel en 2010 (avec le groupe DOFIR). Le changement majeur est qu’à Grevenmacher je présente plusieurs photos d’enfants ! Elles ne sont pas retravaillées... donc, dans un esprit d’homogénéité, je n’ai pas voulu trop retravailler les quelques prises de vue de lieux (dissimulés ou non) de Grevenmacher.

Giulio : Au fait, pourquoi Grevenmacher ?

Serge : Au début je voulais faire des photos de Grevenmacher : maisons originales, coins cachés, vues insolites, tout à fait dans le style de mes expos précédentes... Puis des enfants se sont mis à me suivre et m’ont demandé si je pouvais les prendre en photo... c’était très émouvant... ils avaient l’air tellement heureux... De plus – sans doute un zeste de nostalgie – ça me ramenait un peu à ma propre enfance. Originaire de la Moselle comme toute ma famille, je passais souvent, gamin, les vacances scolaires chez ma grand-mère à Ehnen.

Giulio : Oui, on se rend bien compte que tu es à l’aise dans le terroir comme un cep de pinot blanc et que tu retrouves avec plaisir tes racines villageoises. J’ai beaucoup aimé ce texte de Marie-Lou Cep qui dépeint avec empathie ton travail : « Loin des images à l’intention des touristes, c’est au cœur de la « vraie » vie que nous entraîne Serge Koch au moyen de cette exposition : la vie des habitants d’un paisible village au bord de la Moselle, s’écoulant au son des rires joyeux et des jeux d’enfants aux accents venus d’ailleurs, des conciliabules des bandes d’adolescents ... » et mentionnant également les « Seuls absents de cette après-midi de printemps : les adultes. Mais parions que le soir venu, ils se retrouveront au Kultur­huef, au cinéma, au café, autour d’un verre de vin de Moselle, tout en goûtant cette expo-photo... »

Serge : Parlons-en, du bistro ! (1) Le Café A Schëppen fait partie du Kulturhuef, un centre culturel qui englobe un musée de l’imprimerie (Druckmuseum), un musée des jeux cartes (Spielkartenmuseum) et un cinéma. C’est un lieu intéressant, où l’art est présent sous différentes formes. Et, soit dit entre nous, après avoir présenté mes travaux dans des lieux plus spacieux à Luxembourg ville ou à l’étranger, cela m’a fait plaisir d’exposer dans un petit café, un peu à l’écart des foules... façon intimiste, sans vernissage, solennités ou publicité tous azimuts... le plaisir de la simplicité, quoi !

Giulio : Bravo Serge ! Tu n’en finis pas de m’épater ; et bonne chance pour tout !

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Mon entrevue avec Serge Koch, cet homme pressé de l’art luxembourgeois (né un peu plus tôt, il eût pu servir de modèle à Giacometti) s’arrête là, amis lecteurs. Mais je me fendrai encore de quelques mots, puisque je dois vous confier ce que la modestie de l’artiste lui interdit d’affirmer. Et ce non-dit, c’est que la qualité scénographique de ses photos, le naturel, le « saisi au vol » des expressions enfantines, ainsi que l’harmonie entre volumes, clairs-obscurs, milieu et personnages pourraient bientôt élever « notre » Serge Koch au rang d’un Robert Doisneau ou d’un Cartier-Bresson luxembourgeois du vingt-et-unième siècle.(2) Les photos de Serge Koch sont encore exposées durant toute cette première quinzaine de septembre. Et, quelle meilleure occasion pour embellir une ballade à la Moselle ?!

1) Kulturcafé A Scheppen, 54, route de Trèves L-6793 Grevenmacher, tel : 691 626 222, E-mail : robouquet@ gmail.com. L’expo Serge Koch peut être visitée jusqu’au 15 septembre.

2) Ces grands photographes français n’avaient pas les difficultés qu’ont aujourd’hui les artistes avec les photos d’enfants, dont la publication et l’exposition est désormais interdite sans l’accord explicite de leurs parents ou tuteurs. Et ils ne sont pas toujours faciles à trouver. Serge Koch, lui, a pris son temps et en a profité pour pénétrer plus en profondeur la vie locale tout en faisant plein de sympathiques et intéressantes connaissances.

Giulio-Enrico Pisani