Kultur

Mémoire(s) et Visages de l’Humanité : des livres essentiels

Chef de mission humanitaire en Amazonie pour Pharmaciens Sans Frontières, Jean-Patrick Costa a vécu trois ans en Amazonie équatorienne chez les Indiens Jivaros. Il retourne fréquemment dans ces territoires en qualité de consultant dans les domaines de la santé et de l’environnement pour divers ONG de chez nous et ONG Sud-Américaines. Fondateur d’Arutam, association de soutien aux peuples premiers, il est l’auteur de plusieurs livres publiés aux Editions Alphée (www.editions-alphee.com) : Les Chamans, hier et aujourd’hui (2007) et La chamane du 5ème âge (2007). Chez le même Editeur Jean-Patrick Costa vient de publier son nouvel ouvrage sous le titre L’Homme-Nature, ou l’alliance avec l’univers. L’auteur compare deux formes de pensée, l’une amérindienne qui s’appuie sur la recherche d’une alliance avec la nature, l’autre occidentale bâtie sur la notion de survie et de combat contre la nature. Véritable entreprise de déconstruction de nos présupposés, Jean-Patrick Costa s’attaque au mythe de l’Homme-Dieu, l’homme tout-puissant, dont on aperçoit aujourd’hui les limites et les conséquences, afin de rétablir la pensée qui a mené l’humanité pendant l’immense majorité de son existence, celle des hommes respectueux de la nature, conscients d’en être les enfants. Nouveautés chez le même Editeur : L’affaire des Templiers de Dominique Labarrière ; Crimes d’Etat, il y a trente ans l’abolition de la peine de mort de Claude Mossé ; L’ange du porno de Crista Faust ; Le dernier secret de Cléopâtre de Xavier Milan.

Comment les formes littéraires vivent-elles en nous ? Comment vivons-nous en elles ? Pour comprendre et défendre aujourd’hui la capacité de rayonnement de la littérature, l’essai de Marielle Macé, publié dans la collection « NRF Essais » aux Editions Gallimard (www.gallimard.fr / www.folio-lesite.fr / www.decouvertes-gallimard.fr), réinscrit la question de la lecture dans la perspective large d’une stylistique de l’existence. Marielle Macé s’intéresse à la façon dont les individus, tels que Proust, Sartre, Barthes, Bourdieu, ou encore l’auteur lui-même ou nous-mêmes, lecteurs et lectrices, donnent ou donnons un certain style à la vie à travers les pratiques de lecture, dans leur commerce avec les formes littéraires, à travers les puissances et les nuances qui sont enseignées par la littérature. L’auteur ressaisit l’expérience de la lecture dans ce qu’elle est : un geste de la vie quotidienne, ordinaire et extraordinaire, une conduite par laquelle les individus s’approprient des œuvres et des phrases pour en nourrir et y rejouer leur propre tâche d’être. Marielle Macé est chercheuse au CNRS et enseignante à l’ENS et à l’EHESS. Récemment elle a été nommée directrice adjointe du C.R.A.L, Centre de Recherches sur les Arts et le Langage. Publiés chez Gallimard, je vous conseille les ouvrages suivants : La mort féérique, anthropologie du merveilleux, XIIème – XVème siècle, de Laurent Guyénot et La dynamique de l’innovation, changement technique et changement social, XVIème – XXème siècle de François Caron dans la « Collection Bibliothèque des Histoires ». Dans la « Collection NRF Essais » : Apologie du livre, demain aujourd’hui, hier de Robert Darnton ; D’un ton guerrier en philosophie, Habermas, Derrida & Co de Pierre Bouretz. « Collection Bibliothèque des Idées » : Le philosophe du dimanche, la vie et la pensée d’Alexandre Kojeve de Marco Filoni. « Collection Hors Série Connaissance » : Bug made in France, ou l’histoire d’une capitulation culturelle d’Olivier Poivre d’Arvor ; Islam Pride, derrière le voile de Hélé Beji ; La société du mépris de soi de François Chevallier.

Lydia Cacho, née en 1963 à Mexico, est une journaliste et activiste reconnue pour ses travaux faveur des droits de l’Homme. Elle a reçu de nombreux prix dont le Prix national du journalisme en 2002, le Premier prix des Droits de l’Homme et le prix Ginetta Sagan d’Amnesty International en 2007. A Caucun, Mexique, elle dirige un centre pour les femmes victimes de la violence. C’est chez Nouveau Monde Editions (www.nouveau-monde.net) que Lydia Cacho vient de publier son livre Trafics de femmes, un voyage au cœur de la traite des femmes et des petites filles dans le monde. Chaque année, 1,4 millions de personnes, en grande majorité des femmes et des petites filles, sont achetées et revendues, comme une matière première, au point que le commerce sexuel est devenu, entre la vente d’armes et le trafic des drogues, le plus rentable du monde. Dans le livre-enquête de Lydia Cacho, d’une ampleur sans précédent, menée pendant 6 ans sur trois continents, la parole est donnée à tous les acteurs : les trafiquants et les victimes devenues parfois elles-mêmes des exploitantes, les intermédiaires et les clients, les mafieux, les militaires et les services publics, souvent corrompus, dans tous les pays et à tous les niveaux, les victimes qui ont réussi à revivre des rapports humains normaux. Cet ouvrage est un tour du monde de l’esclavage contemporain, qui mène le lecteur en Turquie, en Israël et en Palestine, au Japon, au Cambodge, en Birmanie, en Argentine… Nous assistons au développement d’une culture qui promeut la chosification humaine comme s’il s’agissait d’un acte de progrès ou d’un libre choix, mais qui profite surtout aux mafias. Mafieux, hommes politiques, militaires, entrepreneurs, industriels, leaders religieux, banquiers, policiers, juges, hommes de la rue, forment une chaîne du crime organisé. Cet ouvrage est un livre-choc, contenant de très nombreuses révélations, ainsi que des témoignages bouleversants. Chez le même Editeur : L’Aigle des brumes de Claude Merle ; Trafics et crimes sous l’Occupation de Jacques Delarue ; Mercenaires de la République de Philippe Lobjois ; Histoire des polices en France, de Louis XIV à nos jours de Jean-Marc Berlière et René Levy ; 100 films sur l’adaptation littéraire, collectif sous la direction d’Henri Mitterand.

Au commencement était l’acte. Cet acte était la mise à mort du père, selon Freud, du frère selon la Bible. Ce commencement est une fin. Nous aurons beau nous écrier : « Plus jamais çà ! », les faits ne cesseront de nous démentir, de montrer la vanité de nos cris. Les faits sont têtus. La violence est souveraine. Partout dehors, visible, étalée au grand jour. Partout dedans, cachée, tapie dans l’ombre dont elle est prête à surgir. La passion meurtrière, qu’elle soit collective ou individuelle, la rage de détruire, l’amour de la haine ne connaissent pas de limites. Face à la démesure nos instruments de mesure sont défaillants. Le livre de J-B. Pontalis, publié aux Editions Gallimard (www.gallimard.fr / www.folio-lesite.fr / www.decouvertes-gallimard. fr) sous le titre Un jour, le crime, est un livre essentiel pour comprendre ce qui souvent est innommable, incompréhensible, terriblement grave. Chez le même Editeur : Caïn, Abel, Ötzi, l’héritage néolithique de Jean Guilaine dans la collection « Bibliothèque des Histoires » ; les quatre volumes de la Saga de « Mèmed le Mince » de Yachar Kemal publiés dans la collection « Quarto ». Pour la première fois, le cycle complet est réuni en un seul volume et couvre plus de trente années d’écriture : Mèmed le Mince ; Mèmed le Faucon ; Le Retour de Mèmed le Mince ; Le Dernier Combat de Mèmed le Mince.

Depuis le 9 octobre 1981, la peine de mort par la guillotine ou tout autre procédé a été abolie en France. Il était temps de comprendre ce qu’il y avait de pernicieux, de pervers dans cette sanction, la seule sur laquelle on ne pouvait pas revenir. Des milliers de condamnés attendant depuis des années dans les couloirs de la mort ont été innocentés par des analyses ADN venues à leur secours. Selon le pouvoir en place, les démocraties, comme les dictatures, ont refusé pendant des siècles à renoncer à l’exécution capitale ! De l’agora d’Athènes aux pénitenciers du Texas, rien n’a été modifié, si ce n’est le mode d’exécution de l’horreur judiciaire. Aujourd’hui, qui s’émeut vraiment, excepté quelques associations humanitaires, de la lapidation de femmes n’ayant commis d’autre crime que d’oublier qu’elles étaient soumises à leur époux comme l’esclave à son maître ? Enterrées vivantes jusqu’au cou, ces malheureuses voient s’abattre sur elles des pierres d’une grosseur fixée par la charia, afin que la mort ne survienne pas immédiatement. Le silence devant ces atrocités, en échange de quelques barils de pétrole supplémentaires, voilà qui ne heurte que quelques vertueuses consciences. Rien ne justifiera jamais la peine capitale qui n’est que crime de faiblesse et de lâcheté. Une véritable profanation des valeurs de l’esprit. Pour les assassins, les vrais, les plus dangereux, les plus abominables auteurs de crimes en séries ou d’agressions sur mineurs, la solitude du cachot, pour peu qu’elle soit appliquée dans des conditions moins inhumaines que celles des prisons françaises actuelles, permettrait d’espérer une rédemption. Une longue privation de liberté, assortie d’un traitement adapté, la rendrait possible. Certes un crime ne doit jamais rester impuni, mais jusqu’en 1981 sa sanction par un autre crime faisait de notre civilisation une civilisation infirme. Claude Mossé, historien, conteur du passé et du présent, a toujours milité, dans tous les pays qu’il a parcourus, contre les horreurs de la peine de mort. A plus de 80 ans, son indignation demeure intacte. C’est aux Editions Alphée (www.editions-alphee. com) que Claude Mossé vient de publier son livre Crimes d’Etat, il y a trente ans, l’abolition de la peine de mort.

Paul Lombard est né à Marseille le 17 février 1927. Avocat au Barreau de Marseille jusqu’en 1995, il est aujourd’hui avocat au Barreau de Paris. Il a été l’un des trois défenseurs de Christian Ranucci lors de son procès, celui-ci ayant été exécuté pour meurtre dans l’affaire appelée à l’époque du Pull over Rouge et fut le dernier condamné à mort, en France. Paul Lombard est considéré comme l’un des avocats français les plus connus et les plus réputés en matière de droit pénal. Dans la collection « Mémoires & Témoignages » des Editions Plon (www.plon.fr), Paul Lombard vient de publier son livre Prolongations. Au sens le plus sportif du terme, est racontée dans ce livre l’histoire d’un homme qui, à 83 ans, travaille et se bat chaque jour. Il trouve la vie fraîche et les filles belles – ou l’inverse. Il fréquente tant les peintres mondialement célèbres, les poètes maudits, les artistes de talent, que ses confrères. Jamais Paul Lombard ne déposera les armes. Jamais il ne renoncera à un plaisir, à une fantaisie, à un combat. L’avenir lui appartient. En même temps, le passé remonte par vagues, par images. Marseille, jadis et naguère. L’ombre de son père, le fantôme de son grand-père. Une enfance enchantée. La guerre et son retour d’outre-tombe. Les personnalités d’exception rencontrées, et les complicités, au-delà des clivages politiques parfois. Les procès gagnés et le spectre toujours vivant d’un procès perdu. Chez Plon, j’ai découvert et apprécié : Dictionnaire amoureux de l’histoire de France de Max Gallo ; La prison des caïds de Frédéric Ploquin ; Ces histoires insolites qui ont fait la médecine de Jean-Noël Fabiani ; Romy de Catherine Hermary-Vieille ; Si la France s’éveillait de Gérard Colomb ; La détresse de petit Pierre qui ne sait pas lire de Chantal Delsol ; Histoire d’une passion de Gisèle Halimi.

Michel Schroeder