Kultur

Galerie Clairefontaine – Photomeetings 2011, Les adieux

Placée sous le signe des Rencontres photographiques de Luxembourg 2011, clôturées en principe le 10 septembre, l’Exposition « Voyeur, The hidden Photographer » (1), c’est à dire « Voyeur, le photographe caché », en est un peu la résonance post partum et nous permet d’admirer encore jusqu’au 24 septembre quelques photos de sept des artistes qui y ont participé. Chant du cygne donc d’une série d’ateliers, de rencontres, séminaires, conférences et vernissages, cette exposition nous présente des travaux d’Alfred Seiland, Abel Szalontai, de Bert Danckaert, Roman Pfeffer, Julia Mehls, Arno Rafael Minkkinnen et Kari Piikönen. Mais, je vous le dis d’emblée, amis lecteurs, je ne retiendrai que trois de ces artistes pour ma présentation.

Et pourquoi ? Eh bien parce que, à mon avis, ils surnagent seuls. Cela ne présume nullement du talent des autres, mais tient plutôt au fait que je les trouve (sentiment, j’en conviens, subjectif) chichement représentés par les oeuvres exhibées. Et encore, devrais-je, pour bien faire, plutôt que d’en citer trois, réduire leur nombre à deux, car cette exceptionnelle artiste qu’est

Julia Mehls

n’y est guère valorisée comme elle le mérite. Disons que je la cite plutôt par sympathie, par affection artistique, qu’en vertu d’un choix objectif. Sa photographie la plus remarquable, une instantanée de 2001, le danseur de zeimbekiko, un authentique chef-d’oeuvre, n’est elle-même, en quelque sorte, que du réchauffé. Je vous l’ai en effet déjà présentée le 11 juillet 2009 dans mon article « Zeimbekiko-Saudade-Georgien, Julia Mehls entre Caucase et Amazonie », que vous pourrez retrouver sur www.zlv.lu/spip/spip.php?article926. Je la cite surtout parce que, si vous n’avez pas encore été admirer à l’époque ce danseur aussi expressif et bien plus authentique que ne le fut jadis Anthony Quinn dans Zorba le grec, c’est le moment d’y aller. Parmi les quelques « nouveautés » on notera aussi « Botanical Garden, Catania », une oeuvre très belle, mais davantage professionnelle et formellement parfaite que talentueuse ou originale. Je me demande seulement quand la galerie Clairefontaine se décidera-t-elle enfin à extraire Julia Mehls de ses pots-pourris collectifs, où ses petits formats, généralement intimistes, sont trop souvent écrasés par les tirages de grande dimension d’autres artistes, pour lui consacrer une exposition exclusive ? Car cette disproportion est bien présente cette fois. En effet, ce qui domine l’Espace 1, mais triomphe aussi dans l’Espace 2, c’est l’incomparable grandezza des photographies d’

Alfred Seiland,

dont je vous ai présenté la collection « East coast – West coast » ensemble avec les peintures de Simon Nicholas dans mon article « Clairefontaine entre peinture critique et road movie » du 17 février 2011 (www.zlv.lu/spip/spip.php?article4430). Nous retrouvons bien sûr aujourd’hui quelques-unes des merveilles de cette précédente exposition, comme ses divers gratte-ciels de 1998 ou son « Truro, Mass. » de 1979, ainsi que l’une ou l’autre nouveauté – du moins pour nous – qui font évoluer Alfred Seiland tout en haut des sommets de l’art photographique. Je citerai notamment une photo de 2008 : un délicieux panorama marin intitulé « Naples », dont le sfumato et la composition surréaliste rappelle certains tableaux de Raymond Bausch, mais surtout l’extraordinaire « Solfatara », prise non loin de là, durant la même période. Bien d’autres merveilles de Seiland nous sont présentées dans le cadre de ce « Voyeur, le photographe caché » ; mais il est temps à présent de nous tourner vers un artiste photographe hongrois dont je n’avais pas encore pu admirer les oeuvres :

Abel Szalontai.

Outre nombre de prises de vue remarquables et de genres très différents, qui valorisent aussi bien le corps féminin dans « Athen », qu’ailleurs le mouvement, la machine, le paysage, les brumes lacustres et les interactions et contrastes homme-nature-machine, Szalontai nous offre un présent sans pareil. En effet, comment qualifier autrement que de véritable cadeau, la possibilité qui nous est offerte d’admirer l’exceptionnelle dramaturgie et l’intensité émotionnelle de « Gyergyó », sombre paysage de forêt ravagée (au 1er étage de l’Espace 2, rue du St-Esprit), qui constitue à mon avis LE clou de cette exposition ? Cette somptueuse composition photographique et synthèse parfaite tout à la fois entre une dramaturgie latente et une trouble harmonie se rencontrent, poignantes, justifie déjà à elle seule le déplacement. C’est absolument magique. Aussi découvrons- nous aujourd’hui avec Abel Szalontai un immense talent, qui mérite qu’on l’étudie en profondeur et dont nous devrions pouvoir examiner les nombreuses facettes. Voilà en effet un artiste, un de plus, dont je souhaiterais vous présenter un de ces jours toute la richesse, et cela bien mieux que dans le cadre nécessairement superficiel d’une exposition collective rassemblée – une fois n’est pas coutume – de manière fort inégale. À bon entendeur salut !
C’est donc sur cet appel, que j’adresse à Marita Ruiter, la galeriste, que je vous encourage à pénétrer de plain pied dans la saison culturelle 2011-2012 en allant admirer (ou réadmirer) à la Galerie Clairefontaine le danseur de zeimbekiko et le jardin botanique de Catane de Julia Mehls, la fabuleuse forêt ravagée, les nus et les brumes d’Abel Szalontai, ainsi que tout, mais absolument tout d’Alfred Seiland. Il n’est d’ailleurs nullement exclu, que vous ne découvriez pas l’un ou l’autre travail photographique, qui ne m’aura pas particulièrement enthousiasmé, parmi les travaux de Bert Danckaert, Roman Pfeffer, Arno Rafael Minkkinnen ou Kari Piikönen, mais qui vous impressionnera, vous, favorablement. Des goûts et des couleurs... enfin, vous connaissez le dicton.

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1) Galerie Clairefontaine, espace 1, 7 place Clairefontaine, Luxembourg ville et espace 2, 21 rue du St-Esprit, à deux pas de la place Clairefontaine. Ouvert mardi à vendredi de 14,30 à 18,30 h et samedi de 10 à 12 et de 14 à 17 h. Infos sur www.galerie-clairefontaine.lu. La présente exposition peut être visitée jusqu’au 24 septembre.

Giulio-Enrico Pisani