Kultur14. Dezember 2021

Les Fêtes à la manière d’Ann Vinck !

de Giulio-Enrico Pisani

Ann Vinck, je l’avais déjà citée dans mon article «Fifty/Fifty, ou les enchantements de l’estampe» d’avril 2014 avec bon nombre d’autres artistes du cercle de l’Atelier Empreinte, au Centre Culturel de Rencontre Abbaye de Neumünster, tout comme Nathalie Soldani, ou Serge Koch, qui n’est plus un inconnu pour vous. Je pus toutefois vous la présenter plus sérieusement en décembre 2018, lorsque je la découvris exposant avec Sylvie Ménager à la Galerie Simoncini (1). Rebelote cette année, toujours chez Simoncini et quasiment à la même date, mais cette fois seule, sans partage. Aussi ai-je pu découvrir ce samedi 4 décembre une considérable production de grandes toiles abstraites, ainsi que – toujours dans l’abstraction – de très nombreuses gravures d’une finesse remarquable, le tout assaisonné d’un florilège de petites sculptures où elle n’hésite pas – étonnamment ? – à flirter ci et là avec le figuratif.

Ceci dit, je commencerai tout de même par vous citer la présentation d’André Simoncini qui, faute de recouper entièrement mon opinion, n’en est en tout cas pas moins celle d’une personne éclairée, dont l’avis vous permettra de faire la part des choses et de mieux pouvoir aborder, sur place, la richesse des œuvres exposées. «L'artiste ici partage, aux deux sens du mot : elle fait don, mais elle divise aussi, confronte et oppose, auscultant, disséquant les éléments de ce bestiaire en gravitation sur l'espace de la toile, de la microparticule à l'infini cosmique», écrit-il. «De la naissance à la mort, grand écart métaphysique, c'est tout le cheminement de la condition humaine qui est, in fine, signifié. Les œuvres récentes participent du même talent protéiforme dont Ann Vinck fait preuve depuis longtemps. Peintures, aquarelles et gravures pleines d'expression(nisme), avec aujourd'hui un redéploiement insoupçonné de couleurs et des incursions marquées vers le noir et le blanc».

Que pourrais-je encore ajouter à ces lignes, qui cernent avec tant de maestria et profondeur l’esprit de l’artiste, sinon en restant un peu plus terre-à-terre, donc en parcourant les trois grandes salles de cette belle galerie au plus près de la matière même dont sont nées et sont constituées les œuvres d’Ann Vinck ? Cette matière qui vous attend dans son bel achèvement artistique ? Ces couleurs acryliques étalées avec une parcimonie tout à la fois sobre et riche sur les vastes toiles abstraites qui forment le clou de l’exposition ? Je pense notamment aux magnifiques tableaux de la série «La joie d’aimer» version noire, bleue ou jaune, mais également à bien d’autres, si possible plus abstraites encore, qu’il m’est impossible de tous énumérer ici.

Et vous découvrirez aussi ces encres venues se glisser dans les très nombreuses gravures et les parfaire avec une exquise finesse, tout aussi abstraites, bien sûr, mais chargées selon moi (c’est à tout un chacun d’en juger) de mystérieuses significations. Et pourquoi ne vous avouerai-je pas du même coup que c’est en cela, dans ses estampes, ses gravures aux techniques parfois diablement sophistiquées, que je la préfère, l’artiste Ann Vinck. Dans des xylographies comme «Kama (or)» et «Kama (gris)», ou des aquatintes comme «Ritmo» ? Non, ne voulant pas vous influencer, je ne vous le confirmerai pas, amis lecteurs, mais je n’en pense pas moins.

De plus, occupant l’espace entre les parois occupées par les peintures et les gravures, jaillie de plus près encore de la matière, de son contact, quasiment de son identification avec l’artiste, se tiennent devant vous les fruits d’une matière recherchée, choisie, façonnée et sculptée à pleines mains en trois dimensions. Davantage présentes encore que lors de sa précédente exposition, les statuettes et autres sculptures d’Ann Vinck, principalement expressionnistes, comme cette suggestive terracotta, intitulée (elle aussi) «La joie d’aimer», à deux figurines vis-à-vis avides d’étreinte, n’ont, contrairement à ses peintures et gravures, rien d’abstrait. Elles sont chargées, tout au contraire, d’une expressivité très supérieure à bien de figurations réalistes d’autres sculpteurs. Quant au matériau travaillé par l’artiste, à l’exception d’un petit bronze appelé «Nudisme» exposé au premier étage, toutes les sculptures présentées cette fois sont façonnées en terre cuite.

Voici encore, pour ceux parmi vous qui désireraient mieux la connaître, un bref aperçu biographique sur notre artiste : principalement graveuse, sculptrice et peintre, Ann Vinck est née en 1953 à Anvers. Elle vit et travaille à Bous, près de Remich, a effectué de 1973 à 1977 des études d’arts graphiques à la Sint-Lucas School of Arts, à Anvers, puis de céramique au Lycée Technique Joseph Bech, à Grevenmacher de 1984 à 1987. En 1988 elle effectue un stage de deux mois en Inde dans les milieux artistiques de New Delhi, grâce à une bourse du «Creative Fund» (créé par Amar Nath Sehgal) et en 1990 un séjour à la Cité Internationale des Arts à Paris. En 1999 elle a participé au Symposium graphique de Göteborg et en 2006 au «Print workshop Mahatma Gandhi Institute à Moka (Maurice)», et en 2011, au Symposium graphique, Institut Kaus, à Urbino en Italie. Elle est membre de l’Atelier (de gravure) «Empreinte» (2), de Luxembourg. Quant à ses très nombreux prix et réalisations, vous pouvez en trouver la liste sur http://www.annvinck.com/ (puis Click here for BIO.

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(1) Galerie Simoncini, 6, rue Notre-Dame, L-2240 Luxembourg, ouvert de mardi à vendredi, de 12 à 18 h, et samedi de 10 à 12 h, et de 14 à 17 h, ou sur rendez-vous. (Tel.   47 55 15), exposition jusqu’au 15 janvier 2022.

(2) Groupe dont je vous ai déjà parlé à plusieurs reprises en présentant le photographe et graveur Serge Koch.