Cinéma: «The Wall», portrait d’une Amérique malade
Jessica Comley (interprétée par Vicky Krieps): Cruelle, inhumaine, raciste…
Tout l’immense talent de Vicky Krieps a rendu plus que plausible le film «The Wall», du réalisateur belge Philippe Van Leeuw. Vicky porte sur son visage toute la haine raciale américaine dans ce film, cette haine monstrueuse qu’aucune situation n’autorise. Une haine terrible qui prend tristement et de plus en plus racine dans la société actuelle.
Après son premier film qui portait le titre «Une famille syrienne», Van Leeuw s’attaque à une problématique sensible: le racisme endémique qui prévaut aux Etats-Unis. Oui, Vicky Krieps interprète son rôle à merveille, mais l’actrice donne froid dans le dos.
Ce cinéaste doué n’a vraiment pas peur d’aborder des questions particulièrement sensibles: le génocide rwandais dans «Le Jour où Dieu est parti en voyage», l’enfer vécu par une famille enfermée dans son appartement d’un quartier de Damas, pendant la guerre civile, dans «Une famille syrienne». Pour ce chef d’œuvre, Philippe Van Leeuw a reçu le Prix du Public à la Berlinale 2017, puis six «Magritte» un an plus tard.
La forte identité de ce cinéaste atteint un nouveau sommet avec «The Wall». Dans ce nouveau film, il dénonce le traitement des migrants à la frontière avec le Mexique.
Jessica Comley (Vicky Krieps) fait partie de la police des frontières américaines à la frontière entre l’Arizona et le Mexique. Dans ce désert impitoyable, elle est fière et déterminée à défendre par tous les moyens l’Amérique contre les trafiquants de drogue et l’immigration clandestine. Mais, à force, de repousser sans cesse les limites, une de ses interventions tourne mal, et un vieil Amérindien et son petit-fils en sont témoins. Face aux autorités, ce sera sa parole contre la leur.
Pour tourner son film, le réalisateur nécessitait d’un territoire où l’état de droit est à sens unique, où l’abus de pouvoir est pratiquement devenu une règle. Ce territoire épouvantable, Philippe Van Leeuw l’a trouvé en Arizona, dans la région de Tucson.
Van Leeuw a tenu à explorer cette Amérique bigote, fondamentaliste et réactionnaire, intolérante et raciste. Le personnage de Jessica Comley en fait partie.
Western contemporain, «The Wall» tire donc bien son nom du fameux mur érigé par l’ex-président Donald Trump pour contrer l’immigration clandestine, devenu symbole d’un nationalisme exacerbé et assumé.
Philippe Van Leeuw a très vite envisagé d’engager Vicky Krieps pour se glisser dans la peau de cette femme qui ne connaît pas de limites et incarne le mal. Tout en étant foncièrement abjecte, le réalisateur a réussi à insuffler suffisamment d’humanité à Vicky pour la rendre crédible.
Vicky Krieps nous démontre une nouvelle fois qu’elle est une véritable actrice caméléon.
Vicky Krieps se construit une filmographie étonnante et exigeante, sans jamais diminuer le niveau de son jeu d’actrice. Dans «The Wall» elle réalise un nouveau tour de force en personnifiant la banalité du mal. Elle joue le rôle d’une femme empêtrée dans la haine et la solitude.