«Révolutions du printemps arabe»
10 ans après : n’importe quoi !
Pauvre langue française, mal comprise, déformée, massacrée par les Français eux-mêmes et, par conséquent, par la majorité des populations francophones, suivies dans ce cas – exception n’est pas règle – par bien d’autres! Même en ne compliquant pas la polémique en revenant en détail sur la pseudo-arabité des maghrébins baptisés Arabes par Nasser & Cie, suivis en cela par des Français faisant semblant d’ignorer le nom de ces peuples en grande majorité Berbères (1), le mal-nommé «printemps arabe» ne connut que deux avortons de révolution. La première n'a duré qu'un an: la brève accession au pouvoir des islamistes en Égypte avec Mohamed Morsi des Frères Musulmans, qui a cédé à une dictature militaire dès que les égyptiens comprirent ce qui les attendait avec ce frériste. Et ne parlons même pas de l'Algérie qui, pour sa part, n'a même pas commencé à en sortir, de la dictature militaire.
La deuxième est l’ainsi-dite révolution tunisienne, qui se para d’habits démocratiques avant de se montrer sous son véritable visage: coup d’état naïvement cru ouvert à une libéral-démocratie par ses sponsors anglo-américains, mais visant en fait à une dictature islamiste dans l’esprit ses profiteurs, les Frères Musulmans. Cependant, contrairement aux façons brutales de l’impatient Morsi en Égypte, oublieux principe fondateur frériste qu’est l’endoctrinement progressif, elle sut la jouer tout d’abord à l’occidentale. En janvier 2011, ses leaders, Rachid Ghannouchi et Moncef Marzouki des Frères Musulmans récupérèrent ainsi aisément la révolte populaire dépourvue de leader contre le tyran Ben Ali sous l’oeil bienveillant des Occidentaux. Force est donc de constater que la plupart des pseudo-révolutions du fameux «printemps arabe» n'ont été qu'une série de feux de broussaille, soulèvements, émeutes, insurrections sans vrai chef et de révoltes sans autre résultat qu'ici ou là de rares concessions des pouvoirs en place aux populations opprimées.
Ceci étant dit – petite mise au point – le propos de mon article n’étant cette fois ni politique, ni social, revenons à l’expression linguistique, tout en relevant que ma critique du français des Français et autres francophones vaut aussi pour bien d’autres langues. Par exemple, la plupart des Allemands et germanophones traitent également les Maghrébins, les Égyptiens et les Levantins de «Araber». Certes, tout le monde – enfin, presque – sait que la langue évolue, se modifie, s’adapte à la vie réelle, aux coutumes, aux exigences pratiques, à l’accroissement des connaissances. Certains mots tombent en désuétude, finissent parfois même par disparaître complètement des dictionnaires; de nouveaux termes apparaissent, s’imposent... Encore d’autres restent, mais changent de sens et les puristes ont beau protester, s’y opposer; on n’y peut rien, du moins quand la nécessité et la compréhension de leur contexte le justifient. «Vox populi vos dei», disait-on jadis, ce qui signifie «la voix du peuple vaut celle de Dieu» et revêt ainsi le sens de «nécessité fait loi». Mais voilà que nous touchons à la question cruciale: ces changements s’imposent-ils? Sont-ils bien utiles, nécessaires? Ne sont-ils pas dans certains cas, comme dans cette confusion entre Arabes et Maghrébins ou Berbères, ou entre révolte et révolution, contreproductifs, ou même dangereux, se prêtant à la méprise, voire, notamment en politique, aux pires malentendus?
Qu’en est-il en effet lorsque ces altérations linguistiques ne sont pas dictées par la nécessité, le progrès, l’évolution des moeurs et habitudes de la voix populaire, ou par la logique, mais sont le fruit de gratte-papier ou de beaux parleurs ignorants et trop paresseux pour vérifier l’exactitude de leur prose? Et qu’en est-il lorsque pratiquement tous les médias, des écrivains et des scientifiques de renom s’en emparent, les diffusent jusqu’à ce que des les politiciens s’y enferrent et les répandent comme parole d’évangile, ouvrant ainsi la voie aux pires quiproquos? Il est dès lors bien normal, l’erreur tombant d’en haut d’où beaucoup croient la science venir, que l’incompréhension finisse par se transmettre tous azimuts. Quoi de plus normal enfin, que le peuple, ayant bien d’autres soucis, bien des abus et injustices plus graves à contester et des problèmes plus importants pour lui à résoudre, ne prenne pas la peine de discuter la prétendue luminosité de vessies qu’on lui fait prendre pour des lanternes.
Selon le dictionnaire Larousse, une révolution dans une société humaine est notamment un «changement brusque et violent dans la structure politique et sociale d'un État, qui se produit quand un groupe se révolte contre les autorités en place et prend le pouvoir». Donc, pas de changement, pas de révolution! On pourrait bien sûr discuter ici des termes brusque, violent et révolte, car, du moins en théorie, une modification complète de régime politique et social est possible sans violence, par exemple en démocratie, suite à un changement radical des forces politiques lors d’élections parlementaires et présidentielles. Mais en pratique, si les dirigeants écartés du pouvoir trouvent le changement insupportable et sans espoir de retour arrière, c’est eux qui peuvent se révolter ou provoquer par des actions arbitraires des réactions radicales, voire violentes des nouveaux pouvoirs.
J’en conclus, sans m’avancer sérieusement en terrain historique, social ou politique exigeant des recherches bien plus diversifiées et approfondies que ne me le permettent mes connaissances et le cadre de ce bref article, j’en conclus donc, que l’expression «révolutions du printemps arabe» a tout faux. Primo, le mot «révolutions» n’y répond actuellement à aucun résultat ni réalité tangible. Secundo, le mot «printemps» se réfère dans ce contexte abusivement au «printemps des peuples», série de violents soulèvements révolutionnaires précurseurs de révolutions à venir, qui secouèrent l’Europe centre-occidentale de la Sicile à l’Allemagne et d’Austro-Hongrie à la France autour de 1948. De nos jours, ces «révolutions» en Afrique méditerranéenne n’ont entraîné, à part quelques aumônes politico-sociales préservant les intérêts de classes dominantes corrompues, aucun changement notable au profit des peuples. Tertio, elles n’ont pratiquement rien d’arabe. En effet, le seul pays tant soit peu arabe touché par ce fameux «printemps» de janvier-février 2011, fut le Bahreïn par la révolte de sa population chiite, en bonne part d’origine iranienne, donc non-arabe.
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1) Pour ceux de mes lecteurs qu’une part de ce détail intéresserait tout de même, les populations berbères comprennent de nombreux groupes, appelés notamment Amazighs, Chaouis, Chleuhs, Chenouis, Infusen, Kabyles, Mozabites, Rifains, Iznasen, Jbalas, Touaregs, Zayanes, Zenagas, Guanches, etc. selon les régions (Wikipedia).