Kultur

Arts d’ici et d’ailleurs, Arts d’aujourd’hui et de toujours : de belles publications

La traduction des douze volumes des contes des Mille et une Nuits, en 1717, puis la publication des Lettres Persanes de Montesquieu, en 1721, ont fait naître en Occident une fascination pour l’Orient qui n’aura de cesse de croître au cours des siècles suivants. Fantasme du harem, majesté des paysages ensoleillés aux décors presque irréels, peu à peu les pays du Levant ainsi que du Maghreb sont devenus une source d’inspiration puissante pour les peintres européens, américains et d’ailleurs. L’étonnante collection du Musée d’Art et d’Histoire de Narbonne retrace l’aventure de cette peinture romantique et colorée entre histoire de l’Orient et légende. Jean Lepage, conservateur en chef du Patrimoine, directeur des Musées de Narbonne, vient de publier un fascinant ouvrage (240 pages, 180 illustrations couleurs, 24,6 X 28 cm) sous le titre L’Orient fantasmé chez Somogy Editions d’Art (www.somogy.net). Chez le même Editeur : Pont-Aven, un Musée, une collection, ouvrage collectif, comportant plus de trois cents illustrations couleurs. Aujourd’hui, alors qu’il fête ses vingt-cinq ans, le Musée de Pont-Aven est un point d’attrait touristique majeur et contribue au rayonnement de toute la région Bretagne en France et à l’étranger. De prestigieux artistes ont peint et séjourné à Pont-Aven : Paul Gauguin, Emile Bernard, Emile Jourdan, Charles Laval, Ernest Ponthier de Chamaillard, Sérusier, Botrel…

Il me semble que le recueil de poèmes de Gonçalo M. Tavares, illustré de photographies d’Andrés Lejona, publié en co-édition par le CLAE asbl (www.clae.lu) et l’asbl Amis du 25 avril, en édition trilingue ( portugais – français – luxembourgeois ) sous le titre Pedra – Pierre – Steen mérite de figurer en une page spéciale Beaux Livres, tant la qualité des textes est d’un dynamisme poétique exceptionnel, le recueil, au niveau de sa fabrication, d’un agréable esthétisme. L’œuvre poétique et littéraire (plusieurs livres de l’auteur ont été publiés aux « Editions Viviane Hamy » : Monsieur Valéry et la logique ; Monsieur Calvino et la promenade) de Gonçalo M. Tavares oscille entre deux pôles opposées, la lumière et les ténèbres. Pierre : C’est une chose qui concentre beaucoup d’autres choses. / Par exemple : elle a en elle des trajectoires qui sont faîtes pour le soleil. / La lumière se promène sur la pierre comme nulle part ailleurs. / Des routes d’hommes existent, et ont été faites ; / des chemins de chèvres et d’autres animaux ; des parcours de fourmi, / d’êtres vivants encore plus petits que l’œil humain n’a jamais vus. / Et puis la lumière qui vient d’en haut et s’arrête à la pierre. / La seule chose qui sache recevoir la clarté / avec l’attention / due / à un être vivant.

Jacques Gruber, 1870-1936, appartient à la seconde génération des artistes de l’Ecole de Nancy. Entre 1893 et 1897, Jacques Gruber collabore avec la manufacture Daum et crée des modèles de vases dans un répertoire figuratif historique. Gruber s’est exprimé dans des domaines très variés : affiches, vitraux, menus, imprimés, peintures et pastels. Les projets réalisés avec René Wiener témoignent de son intérêt pour la reliure d’art. Sa participation à la création de la table La Source avec Louis Majorelle inaugure un travail sur des objets et des ensembles mobiliers. Avec un décor puisé au cœur de la nature, il décline des pièces qui privilégient un mouvement dynamique ondulant. Dans les années 1904-1905, il collabore avec la manufacture de Rambervillers pour des modèles de pièces de forme et de céramique architecturale en grés : pieds de lampe, vases, cache-pots et porte-parapluies montrent la science des formes inspirées par la nature qui fait le propre de son style. Claire Pélissier, doctorante, Roselyne Bouvier, historienne de l’art, Francis Roussel, historien de l’art, Jérôme Perrin, assistant de conservation à la villa Majorelle, François Parmantier, attaché de conservation au musée de l’Ecole de Nancy et Valérie Thomas, conservateur de l’Ecole de Nancy sont les auteurs de l’ouvrage Jacques Gruber et l’Art nouveau, un parcours décoratif, publié par les Editions Gallimard (www.gallimard.fr). C’est à la Galerie Poirel (ensemblepoirel@mairie-nancy.fr ) située à Nancy que l’Ecole de Nancy présente jusqu’au 22 janvier 2012 l’exposition consacrée à Jacques Gruber.

Je me suis nourri de poésie, de scintillement poétique incomparable, en découvrant l’album admirable José Ensch : Glossaire d’une œuvre, de l’amande … au vin de Jalel El Gharbi, illustré par Iva Mrazkova. Jalel El Gharbi a disséqué la poésie de José Ensch, enrichissant celle-ci d’une nouvelle dimension : celle de son inaltérable universalité, de sa mouvance en toutes terres, comme en toutes eaux. Cet album est un voyage en terre de feu, de fêtes, d’ivresses, de résonances, de racines et de lunes. Ô les neiges d’antan et ce clavecin où s’obstinent les mains de l’enfant, ce texte où s’obstinent ses yeux. // Il y a sur la vitre une luciole voyageuse, c’est l’unique bagage des étoiles. J’ai eu le grand plaisir de rencontrer, voici bien des années maintenant, l’excellente poétesse José Ensch chez une amie commune, la superbe poétesse et artiste peintre Georgette Beljon. Jalel El Gharbi est professeur à l’Université de La Manouba, Tunis. Les illustrations d’Iva Mrazkoba sont comme une seconde peau des poèmes de José Ensch. Mrazkova est une artiste peintre diplômée de l’Académie des Beaux-Arts de Prague. Ce très bel ouvrage artistique a été publié par l’Institut Grand-Ducal, Section des Arts et des Lettres. (18, Av. Gaston Diderich L- 1420 Luxembourg Tél. 452826. www.igdal.onnet).

Les livres publiés par les « Editions Al Manar » (www.editmanar.com ) sont de véritables joyaux, le texte est composé au plomb, l’impression réalisée sur des presses typographiques. Dans la collection « Approches et Rencontres », j’ai découvert avec beaucoup de plaisir Au milieu d’Amman de David Dumortier. L’auteur a vécu en France, en Syrie, en Jordanie, en Egypte, des séjours longs lui apportant cette dimension nécessaire à l’évocation de la terre arabe. L’illustrateur, Hani Zurob est né dans le camp de réfugiés de Rafah en Palestine. David Dumortier dit Amman, à l’aide de textes en prose d’une grande douceur, d’une grande beauté, parfois d’une grande douleur aussi. Amman est la ville aux cerfs-volants. Des hommes en vendent même aux carrefours. Une fois qu’ils ont pris le goût de l’air, ils font tout pour partir définitivement. Si l’un d’eux se détache un autre arrive pour habiter le ciel. Il faudrait partir d’Amman pour écrire le poème d’une ville qui serait seulement habitée par des guenilles agitées derrière ceux qui partent.

Dans le domaine de la peinture et parcourons le rayon des nouveautés de Citalles & Mazenod (www.citadelles-mazenod.com). Dans la collection « Les Phares » vient d’être publié un magnifique ouvrage sous le titre Watteau. (386 pages reliées en toile sous jaquette et coffret illustré, 29 X 33,5 cm, 300 ill. couleur). Ce livre est du à la plume de Guillaume Glorieux, professeur des université, enseignant d’histoire de l’art moderne à l’Université de Rennes 2 – Haute Bretagne, où il dirige le laboratoire de la recherche « Histoire et critique des arts ». Sans équivalent parmi les artistes de son époque, Antoine Watteau (1684 – 1721) a bouleversé en une décennie l’histoire de la peinture européenne. Nourri des exemples du passé, fort d’une culture musicale et théâtrale et sensible à la nature, Watteau a créé un monde à lui, à la frontière du rêve et de la réalité, une peinture que rien ne laissait présager dans l’évolution des arts en France. Peintre du sentiment amoureux, Watteau a créé un type de sujet radicalement nouveau et appelé à connaître un succès immense, la fête galante. L’artiste décrit avec retenue toutes les étapes de l’amour, ses hésitations, ses progrès et ses déceptions. Peintre incomparable, Antoine Watteau, a aussi été dessinateur hors pair qui a enthousiasmé la critique d’art et les amateurs dès son vivant. Cet ouvrage retrace la vie et la carrière de Watteau dans un cheminement chronologique attentif aux données sociales et culturelles. L’identité personnelle, familiale et professionnelle de l’artiste est ici restituée.

La migration des musiques va de pair avec celle des musiciens. Paris est aujourd’hui devenue une plaque tournante pour les griots d’Afrique de l’Ouest, tout comme Berlin pour les bardes turcs, Londres pour les artistes indo-pakistanais ou New York pour les vedettes de la salsa. Aujourd’hui, nous vivons, en direct, une transformation radicale du paysage musical, un changement de paradigme à l’échelle de la planète. Quand l’écrivain antillais Edouard Glissant dit que nous sommes aujourd’hui dans un monde fini où toutes les cultures sont en interférences immédiates, en voie de créolisation, probablement a-t-il raison ! La musique est un marqueur socioculturel fort et un moyen de communication puissant entre les individus et les communautés. Elle aide le migrant à reconstruire sa personnalité en manifestant son sentiment d’appartenance à un groupe, tout à l’aidant à communiquer avec l’autre sur une base non verbale. La musique qu’il choisira de jouer exprime sa vision de la société et du monde. Elle résulte de choix non seulement artistiques et économiques, mais aussi identitaires et politiques, ainsi que des choix de vie. Et quels qu’ils soient, ces choix sont tous respectables. Sous la direction de Laurent Aubert, les Editions InFolio (www.infolio.ch) viennent de publier le livre Musiques Migrantes.

La créativité du peuple dogon, aux innovations permanentes, ne cesse de fasciner artistes, collectionneurs et amateurs d’art. Les plus anciennes sculptures de bois retrouvées dans les grottes de la falaise de Bandiagara, en pays dogon, au Mali, sont datées entre le XIème et le XIVème siècle. Les sculptures dogon font référence aux mythes d’origine et à la fertilité, elles se retrouvent sur les portes et les piliers des abris, sur les volets et les serrures des greniers. Des lignes symbolisent l’eau et la pluie. Les jeunes hommes dogon sont initiés au secret de la langue et des danses des masques. Ils intègrent la société des masques, l’Awa, et apprennent à sculpter eux-mêmes leurs masques et à tresser les bracelets et jupes de fibres qui composent le costume. Les masques évoquent des animaux ou des archétypes. Certaines sculptures de bois comportent une boucle d’oreille en métal, rappelant que l’art statuaire et l’art du métal relèvent de la même main. L’iconographie des bracelets dogons représentent des serpents, des cavaliers. Les forgerons dogon jouent un rôle essentiel dans la vie quotidienne. Ils fabriquent les outils pour travailler la terre, des parures mais aussi des figurines et des objets destinés au culte. C’est dans la collection « Hors Série Découvertes » - www.decouvertes-gallimard.fr - que les Editions Gallimard (www.gallimard.fr) viennent de publier le livre En pays Dogon d’Aurélien Gaborit.

Michel Schroeder