Kultur16. Januar 2025

Cinéma : «The Room Next Door», le nouveau film de Pedro Almodóvar

Un film beau et courageux sur l’euthanasie

de Michel Schroeder

Le nouveau film de Pedro Almodóvar, «The Room Next Door», est à la fois lumineux et profond, habité par la seule question qui compte vraiment, celle de ce qui fait le prix de la vie. Le jury de la dernière Mostra de Venise a récompensé cette méditation inoubliable à la hauteur de sa beauté en lui décernant le «Lion d’Or». Dans les rôles principaux, vous ne manquerez pas d’apprécier Tilda Swinton, Julianne Moore et John Turturro.

Magistralement écrit et interprété, sobrement réalisé, le vingt-troisième film de Pedro Almodóvar est un très touchant appel à la sollicitude et, si possible, à l’empathie, caractéristiques humaines et sociales en voie de disparition aujourd’hui.

Dans ce monde qui vacille, qui tente de renaître de ses cendres, Almodóvar poursuit ses combats qui lui tiennent à cœur.

Inspiré par le roman de Sigrid Nunez, «The Room Next Door», est un film en totale révolte contre le monde d’aujourd’hui, profondément ancré dans l’égocentrisme haineux. Roman et film racontent comment deux personnes, Martha (Tilda Swinton) et Ingrid (Julianne Moore), qui furent autrefois collègues dans le même journal, se retrouvent vraiment par hasard et vont fusionner au nom de leur amitié retrouvée, dans une double lutte, l’une avouée contre le cancer dévastateur de Martha, et l’autre, verbalisée par un amant commun, contre l’indifférence généralisée.

Ingrid signe son nouveau roman dans une librairie. Ce best-seller a attiré un très nombreux public, avide de rencontrer l’autrice, d’acquérir un exemplaire dédicacé de son livre. La libraire se rend compte qu’il y a encore du monde jusque sur le trottoir, alors qu’à cette heure avancée, sa librairie devrait déjà être fermée.

Une Dame s’approche d’Ingrid, lui demande de signer directement deux exemplaires de son livre. Elles semblent bien se connaître car se mettent à discuter ensemble. Cette Dame demande à Ingrid si cette dernière sait que Martha vit dans cette ville et qu’elle y est actuellement hospitalisée pour un méchant cancer.

Après avoir quitté la librairie et avant de regagner son hôtel, Ingrid file à l’hôpital et, alors qu’elles ne se sont plus vues depuis pas mal d’années, elle et Martha sont enchantée de se revoir.

Martha a été journaliste correspondante de guerre, toujours au front, toujours en danger, vivant toujours avec la hantise «de défendre la bonne cause».

Ingrid a quitté le journalisme pour devenir romancière, une romancière au succès quasi immédiat.

Martha explique à Ingrid que son cancer est difficile à soigner, à gérer. Qu’elle passe d’un traitement à un autre. Qu’elle connaît des hauts et des bas, mais que les bas deviennent de plus en plus fréquents.

Les deux femmes vont se rencontrer quasiment tous les jours, le plus souvent à l’hôpital, mais aussi dans l’appartement de Martha.

Un jour, Martha informe son amie qu’elle ne peut plus vivre ainsi. Qu’un ami lu a commandé sur le Darknet une pilule qu’elle devra avaler le jour où elle souhaitera mettre fin à ses jours.

Elle explique à Ingrid qu’elle a loué une superbe villa, dans un endroit de rêve, lui demande de l’accompagner. Elle lui explique qu’elle ne va pas s’euthanasier tout de suite. Qu’elles vont vivre là des sortes de vacances idylliques. Il faut juste qu’Ingrid dorme dans une chambre à côté de la sienne et le jour où elle remarquera que la porte de la chambre de Martha sera fermée, cette dernière aura franchi le pas, le pas vers la délivrance, la fin de la souffrance.

Almodóvar s’attache et s’accroche au principal, au face-à-face entre les deux femmes, ou plutôt entre elles et la mort. Il y a quelque chose de terriblement beau, de dramatique, d’excessif dans la trajectoire d’Ingrid et de de Martha, entre l’écrivaine qui déballe sa peur terrible de la mort dès la première minute, et la condamnée qui parachève son apaisement ultime.

Almodóvar laisse couler ses dialogues faussement simples pour capter, comme à son habitude, ce qui se cache de plus grand dans le plus intime. Le cinéaste semble avoir trouvé une nouvelle impulsion. Plus discrète peut-être, plus apaisée aussi, mais celle complète à merveille sa filmographie.

Loin d’être un requiem, «The Room Next Door» est un hymne chatoyant à la dignité et à la liberté de chaque être humain, face au plus grand vertige de l’existence, la mort.

Ce film présente également un engagement humain et politique, puisque, en Espagne, une loi a été votée, le 25 juin 2021, autorisant l’euthanasie. Ce film est donc à la fois beau et courageux.