Réalités sociales et sortilèges dans des romans
Idries Shah, le père de Tahir Shah, est connu sur le plan mondial pour ses multiples travaux sur la philosophie orientale. Tout au long de son enfance, Tahir Shah, a eu l’occasion de faire, avec ses parents et ses deux sœurs, de longs voyages en Afrique, en Asie Centrale et au Moyen-Orient. Au Royaume-Uni, Tahir Shah est membre de la Société royale géographique, de l’Institut Royal d’anthropologie et de la Société Royale de Littérature. Quand il ne voyage pas, il vit à Casablanca avec sa femme Rachana, qui est d’origine indienne, et ses deux enfants. Tahir Shah vient de publier La café Mabrouk, le Maroc des Mille et Une Nuits aux Editions de Fallois. L’auteur a récolté les contes et récits qui, depuis bien des siècles, nourrissent l’imaginaire populaire, mais aussi l’imaginaire des intellectuels, de ce pays ancien et rempli de vitalité. Au fil des contes et récits de ce livre merveilleux, nous découvrons, hallucinés, conquis, bien des personnages hauts en couleur. Un vieux cordonnier, un chirurgien à la retraite, un policier, un homme qui soigne les fous avec des contes, un marchand du bazar qui déclare que tous les articles de son magasin son gratuits mais réclame le paiement de l’histoire attachée à chaque objet. J’ai sélectionné les livres suivants parmi les nouveautés publiées par cet Editeur de grande qualité : Jeanne, souvenirs de Jacqueline de Romilly de l’Académie Française ; La voisine de palier, roman de Henri Troyat ; Identité numérique, roman d’Olivier Merle ; Vietnam, un pays presque mien, souvenirs de Daniel Guilmet.
Jamais je ne saurais vous dire avec les justes mots la saveur du récit de Philippe Le Guillou, publié aux Editions Gallimard (www.gallimard.fr / www.folio-lesite.fr /www.decouvertes-gallimard.fr) sous le titre L’intimité de la rivière. Je préfère vous offrir un extrait de ce texte sublime, d’une rare et profonde poésie, d’une écriture jubilatoire : « C’était il y a peu, moins de cinquante ans, et on croirait que tout cela remonte à mille ans. Il suffit que je revienne au Faou, pourtant, et le génie des lieux ravive aussitôt les sortilèges d’un monde qui continue de vivre, fidèle aux mythes, aux rites, loin des atteintes d’une modernité ravageuse. Les lilas blancs et bleus du jardin paradisiaque de Kerrod, les buis, les palmiers, le vert des prairies, les eaux vives sous le pont de bois et au début des paluds, les boiseries dorées de Rumengol, la perspective des sources au-delà de l’épaisseur forestière ressuscitent, massive et sûre, la plénitude de l’enfance, d’un monde sans ombre, sans faille, protégé des présences aimantes, immémorial, transparent – éternellement présent ». Dans la collection « Blanche », Gallimard vient de publier : Dans la fureur glaciale de Viviane Forester ; Rue de Rivoli, Journal 1966-1972 de Viviane Forester ; Repentirs de Hélène Ling ; Homo erectus de Tonino Benacquista ; Dialogue avec les morts de Jean Clair ; Où en est la nuit de Jean Hatzfeld ; Le rendez-vous de Saigon d’Antoine Audouard.
Jean Giono a écrit que la Provence dissimule ses mystères derrière leur évidence. Dans le roman « Colline » de Jean Giono, tout a le poids du sang, de sucs, de goût, d’odeur, de son. Un brillant exemple du talent de l’auteur. Ce récit de Jean Giono est tout emprunt d’une poésie qui lui est propre, cette poésie simple et douce, révélatrice du monde réel. Car c’est bien là le message de Giono : il ne faut pas négliger la nature. Grâce à de nombreuses et belles métaphores, l’auteur s’applique à toucher tous les publics, portant des idées parfois complexes aux yeux de chacun. Le roman Colline ( FA 8060 ) de Jean Giono, lu par Jean Chevrier a été publié sous forme de CD-Livre audio chez Frémeaux et Associés (www.fremeaux.com). Publiés également en CD-Livres audio auprès du même Label : Le désert de l’amour de François Mauriac ; Bonjour Tristesse de Françoise Sagan ; La grande Bretêche d’Honoré de Balzac.
Le narrateur et Fred, deux éducateurs, emmènent en vacances cinq jeunes de banlieue pour quelques jours. C’est l’occasion pour le narrateur de revenir sur des souvenirs d’enfance et certains épisodes de sa vie quotidienne dans la cité : ses copains, son histoire d’amour avec Claire qui vient de le quitter, l’ennui, l’espoir d’y échapper. Les vacances, ce sont des conversations avec les gosses, les efforts des éducateurs pour les ouvrir à autre chose, les moments de joie, les rapports pleins de tendresse avec des enfants à la fois éveillés et brutaux, notamment la jeune Fatou avec qui le narrateur entretient une complicité toute particulière et qu’il accompagnera dans une étrange fugue. Dans son délicat et formidable roman, publié aux Editions Gallimard (www.gallimard.fr / www.folio-lesite.fr /www.decouvertes-gallimard.fr) sous le titre A l’arrache, Patrick Goujon ne cède jamais aux poncifs sur la cité. Il n’élude pour autant aucun sujet, mais tente de donner à sentir, à travers une multitude d’observations et de détails concrets, la réalité de la vie d’une certaine frange de la jeunesse des banlieues. Dans ce roman, aucun apitoiement, aucune grandiloquence : les vies sont observées au ras du quotidien, sans complaisance, ni cruauté. Chez Gallimard, dans la collection « Le Manteau d’Arlequin » : Gesualdo de Richard Millet ; dans la collection « L’Albarlète » : Baltern de Patrice Blouin.
Michel Schroeder