Kultur

Alexandre Forceille & Yvette Rischette réunis dans »stone meets color«

Elle ne nous est pas inconnue, l’artiste peintre Yvette Rischette. Je l’avais remarquée la première fois lors d’une exposition des artistes du LAC »Beim Engel« en janvier 2005, puis, la même année en avril au salon de printemps du LAC à la Chapelle du Rahm et ensuite lors de l’intéressante initiative »douze artistes ouvrent leurs ateliers« en novembre 2008. De tout cela, je vous en ai déjà parlé dans ces colonnes. Mais c’est au Château de Bettembourg, à la galerie d’Art Maggy Stein, bien mieux qu’au sein de collectifs, où elle ne présentait que deux ou trois oeuvres, que j’ai pu enfin prendre toute la mesure de son talent.

Aujourd’hui, c’est au premier étage du Fachmaart Robert Steinhäuser à Leudelange, que nous la retrouvons dans l’espace qui y est mis à la disposition des artistes, où elle a suspendu une riche collection de ses derniers tableaux. Mais aux toiles il faut ajouter un nombre de blocs parallélépipédiques en bois peints comme des tableaux et pouvant aussi bien, selon leur dimension, faire fonction de pied de table basse en verre, d’escabeau, ou de pur objet d’art, ce que chacun d’entre eux est de toute manière.

La peinture d’Yvette Rischette ne transige pas avec l’abstraction et elle pourrait tranquillement sous-titrer ses travaux avec la variante d’une fameuse phrase : »Cette oeuvre étant purement abstraite, toute ressemblance avec des personnes, figures, paysages, objets ou situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite« . À partir de là, libre au spectateur, donc à vous, amis lecteurs, de vous imaginer ce qu’il vous plaira parmi les fruits de son imagination dont la créativité s’adresse en fin de compte à la vôtre.

Cependant, c’est beaucoup moins à l’aide de votre raison, mais bien plus grâce à votre instinct, que vous pourrez découvrir, puis déchiffrer le brillant matiérisme abstrait de ces tableaux aux chromatismes à la fois puissants et discrets, où les rouges, noirs et gris forment une infinité de contrastes féeriques. Mais il est inutile que j’entre ici dans le détail de créations tellement diverses que leur description prendrait un livre, et qui ne peuvent de toute façon être appréciées que de visu. Un très beau texte y relatif a été toutefois publié sur le site www.tempera.lu/: »L’harmonie de l’art spontané« de N. Rapp, que j’approuve presque en tout et ne saurais mieux formuler.

Yvette Rischette est née à Differdange en 1962, vit et travaille à Frisange dans son atelier au 39 op der Gell, est membre du LAC (Lëtzebuerger Artisten Center), ainsi que de l’ARC (Art Contemporain du Gr.D. de Luxembourg). Avec plus de trois douzaines d’expositions depuis 2001, ses participations en 2001, 2002, 2003, 2004, 2006 à Art in Beaufort et en 2001-2002-2003-2006 à l’ »Open Air Konscht Festival Lellingen« , Yvette ne chôme pas. Aujourd’hui elle a été en outre fort bien inspirée de s’associer pour cette exposition commune avec Alexandre Forceille.

Né à Namur, ce sculpteur autodidacte vit et travaille à Bertrix, dans la Province de Luxembourg, où sa renommée, marquée par le 1er prix Francis Blaise en 2000, le 1er prix de sculpture »Libr’Art« à Libramont en 2006 et deux douzaines d’expositions depuis 2004, n’est plus à faire. On ne peut d’ailleurs que s’étonner de ne pas le voir invité plus souvent au Grand-duché, où il ne pourrait que rencontrer un succès mérité. Notez, qu’au vu de son talent et de la qualité de son travail, que cette expo contribuera à faire découvrir, cela va sans doute changer.

Alexandre Forceille sculpte, forme, travaille et personnalise son matériau avec une sûreté de goût et une sobriété d’une élégance rare. Aussi abstraites mais plus géométriques que les représentations rischettiennes et tout aussi harmonieuses en dépit de leur dépouillement, les sculptures de Forceille s’éloignent peut-être davantage encore d’éventuelles significations apparentes, pour laisser au spectateur toute liberté d’interprétation. N’oublions pas en effet que l’oeuvre d’art abstraite stricto sensu étant par définition son propre étalon, ne souffre aucune ressemblance avec la réalité, sinon celle, fortuite, que peut offrir le hasard.

Coupées, taillées, martelées, burinées, fraisées, lissées, polies dans des blocs de pierre bleue ou, plus rarement, dans du marbre blanc, toutes ces projections sculpturales du génie de l’artiste interpellent. Celui-ci n’hésite pas à faire sienne la technique des Michel-Ange et Rodin du finissage partiel, qui laisse des parties brutes ou à peine travaillées à une roche dont l’oeuvre n’en finit pas de naître. Si, à l’instar du pinceau d’Yvette Rischette, le ciseau d’Alexandre Forceille est extrêmement volontaire, voire volontariste, l’artiste sait, comme les grands maîtres du passé, s’incliner devant l’âme du matériau et ses exigences.

L’imagination forceillenne des formes et des dimensions ne semble pas connaître de limites, ni avoir une quelconque difficulté à susciter ici la tendresse, l’émotion, ou à engendrer ailleurs une esthétique tranchante, pure et dure. Rien de superflu chez Alexandre Forceille. Tout ce qui définit et ce qui fait sa sculpture est, sinon utile, essentiel à la beauté de ses créations, dont la présence dans l’espace beaux-arts du »Fachmaart« se marie de manière on peut plus heureuse avec les magiques rhapsodies de couleurs d’Yvette Rischette.

L’exposition »stone meets color« d’Alexandre Forceille & Yvette Rischette peut être admirée jusqu’au 11 décembre au Fachmaart Robert Steinhäuser, z.i. 50 rue de la Poudrerie, Leudelange, lundi - vendredi : 8-12 & 13-18,30 h ; samedi : 8-17 h. (info. tel. 3716161 ou mail fachmaart@steinhauser.lu)

Giulio-Enrico Pisani