Taxe kilométrique en Belgique retour sur le mouvement des camionneurs (1)
Une nouvelle taxe qui risque surtout de toucher les « petits » transporteurs
Barrage sur la E411 en direction de Luxembourg
Des transporteurs routiers en colère ont organisé des barrages filtrants et bloqué des zonings et des sites pétroliers empêchant les camions de passer. De quoi parle-t-on ? Pourquoi les petits transporteurs se sentent-ils menacés ? Que penser d’une taxation de l’usage de la route par les camions ? Comment avoir un transport durable de marchandises ?
Les actions sont essentiellement menées par les travailleurs et les patrons des petites entreprises de transport, furieux de la taxation kilométrique pour poids lourds et de la manière dont celle-ci a été mise en place. Febetra (Fédération belge des transporteurs) et TLV (Transport en Logistiek Vlaanderen), qui représentent surtout les grosses entreprises de transport routier, s’opposent aux blocages. Elles ont été associées aux négociations sur les modalités de l’introduction de ces taxes, contrairement aux petits transporteurs, et les mesures de compensation accordées par les gouvernements régionaux sont plutôt taillées à leur mesure.
La taxe kilométrique : de quoi parle-t-on ?
La taxe kilométrique est introduite en Belgique depuis le 1er avril 2016 pour les camions avec un Poids total autorisé en charge (PTAC) supérieur à 3,5 tonnes. Elle remplace la taxe camion Eurovignette pour les véhicules de plus de 12 tonnes. Elle est d’application sur toutes les autoroutes belges et sur certaines routes régionales. Étant donné que l’immense majorité des camions circulant en Belgique n’y sont pas immatriculés, c’est leur contribution qui rapportera le plus.
Le tarif à payer dépend du nombre de kilomètres parcourus, du type de route, du PTAC et de la classe Euro (pollution). Pour les poids lourds classés dans la catégorie Euro 0, dont la mise en service remonte au 1er octobre 1990 (plus polluants), la taxe est de 20 centimes au km en Wallonie/Flandre. Pour ceux de la catégorie Euro 6 (mise en service au 1er janvier 2014, donc moins polluants), le tarif est de 12,8 centimes en Wallonie/Flandre. Par rapport à l’Eurovignette que la taxe est censée remplacer, il s’agit d’une fameuse augmentation. Les rentrées seront de 200 millions par an en Wallonie contre 50 millions pour l’Eurovignette. Par rapport au montant de l’Eurovignette (1.250 € par camion par an) et de la taxe de circulation, une estimation de l’UTPR fixe à 7,94 % l’augmentation du coût de revient du transport général et de la distribution sur le territoire belge.
Il y a 5.900 sociétés de transport en Belgique. Beaucoup d’entre elles ne vont pas bien et la taxe risque d’entraîner des faillites et des pertes d’emplois. Ces éléments expliquent donc l’inquiétude et la détermination, surtout des plus petits.
– Ils sont plus vulnérables financièrement.
– Certains ne payaient pas l’Eurovignette.
– La nouvelle taxe touche non seulement les camions de plus de 12 tonnes, mais aussi les camions de 3,5 tonnes à 12 tonnes, exemptés de l’Eurovignette auparavant
– Les petits camionneurs sont souvent dépendants d’un seul client. Ils disposent de deux ou trois camions. Pour eux, la taxe s’annonce très difficile à répercuter chez leurs commanditaires. D’autres travaillent en sous-traitance pour de grands groupes. Plusieurs de ceux-là ont déjà signalé qu’il était hors de question de reporter sur eux l’impact de cette taxe. Les petits n’ont pas de pouvoir de négociation. Les organisations de transporteurs ont demandé une clause légale de répercussion du coût de la taxe kilométrique pour qu’un maximum de coûts soient rétribués par les clients du transport routier. Mais évidemment, ce sont alors les consommateurs qui trinquent, par exemple dans la distribution.
– Les petites entreprises dont les véhicules sont des Euro 3 ou des Euro 4 vont être lourdement pénalisés par la taxe. Ils n’ont parfois pas les moyens de réinvestir dans des Euro 6 et ils devront arrêter leur activité. Cela va contribuer à faire disparaître les petits et à renforcer les grands groupes.
Les compensations prévues sont en grande partie en faveur des grandes entreprises. On augmentera la masse maximale autorisée (MMA) de 44 à 48 tonnes, des tronçons-pilotes seront mis à l’étude pour les éco-combis (ou « super-camions« , des doubles semi-remorques) et les règles de contrôle technique seront assouplies (la validité de la carte verte consécutive à un refus sera portée de 6 mois à un an). Cela ne concerne évidemment que les grands. Le gouvernement wallon relaiera en outre auprès du Fédéral la demande du secteur d’une réduction des cotisations ONSS pour les heures improductives. Il s’agit de nouvelles coupes dans les cotisations sociales et cela profite surtout à ceux qui ont beaucoup de chauffeurs. La même chose vaut pour le soutien financier prévu pour les formations de routiers.
(à suivre)
Herwig Lerouge
Michaël Verbauwhede