Kultur

Jean Genet, poète, dramaturge : Un marginal explosif

Notre quotidien se doit de célébrer le 100ème anniversaire du Centenaire de la naissance de Jean Genet, marginal explosif, porté par « le génie ». Orphelin, voleur, prostitué, déserteur, vagabond, délinquant, criminel, homosexuel, il fut un sublime poète au mauvais genre et au grand cœur.

La vie turbulente de Jean Genet est indissociable de son œuvre. D’ailleurs, il n’y aurait jamais eu d’œuvre si la vie de Genet n’avait, en permanence, était marquée par le sceau de la marginalité.
Même en gagnant en notoriété, même en percevant des droits d’auteur importants, il n’a cessé de rester dans la marginalité, de vivre au banc de la société, d’assouvir ses passions amoureuses les plus folles.
Ce qui, finalement, a inscrit le destin de Jean Genet, au cahier maudit des existences perturbées, fut qu’il n’a jamais connu ses parents, qu’il n’a jamais connu ses origines véritables.

Genet est né à Paris le 19 décembre 1910. Enfant de l’assistance, il fut élevé dans le Morvan par des paysans. Le genet, cette fée des fleurs, comme il aimait à dire, il l’a choisie pour en faire son nom. Il est mort, seul, la nuit du 14 au 15 avril 1986, au cours d’un séjour à Paris, où il était venu pour corriger les épreuves de son dernier livre. Il est mort là où il a toujours vécu, dans une chambre d’hôtel. Une chambre d’hôtel possédant un confort rudimentaire, alors que toute sa vie durant il a couché, le plus souvent, dans des taudis.

Sans éducation et sans modèle, si Jean Genet a fini par devenir le célèbre JEAN GENET, adulé par des générations entières, c’est qu’il passait, dès son enfance, le plus clair de son temps, le nez fourré dans un livre.

Genet a connu à de multiples reprises la prison, la prostitution, la délinquance, mais aussi et surtout, il a maintenu en lui le feu sacré de l’écriture. Il a médité les grandes œuvres romanesques. Il a compris comment le roman peut explorer les bas-fonds les plus malsains de l’âme humaine et néanmoins progresser de merveille en merveille.
A défaut de famille, Genet, dès l’adolescence, a commencé à se bâtir une généalogie littéraire. Excellant dans la grammaire, Genet a choisi d’user d’une langue classique, ornée, et n’a jamais reculé devant aucun imparfait du subjonctif.

Genet n’a jamais guère parlé de son passé militaire, il lui a préféré son errance de vagabond à travers l’Europe. Pour Genet, la prison fut un lieu maternel, où il avait la garantie du couvert et du gîte. Cet univers, douloureusement générateur de fantasmes, fut pour lui aussi séduisant que l’enfer. Mais l’imbécilité et l’inculture de la grande majorité de ses codétenus ont toujours fini par l’exaspérer, tout comme l’imbécilité du personnel pénitentiaire. Dans la promiscuité solitaire des prisons, sa détresse ne fit que croître. Il parvint tout de même à écrire en prison. Il écrivit, en cellule, un long poème en alexandrins, Le Condamné à mort. Il le fit imprimer à compte d’auteur.

Entre 1942 et 1949, Jean Genet publia trois romans autobiographiques, Notre-Dame-des-Fleurs ; Miracle de la rose ; Pompes funèbres, un roman, Querelle de Brest, une autobiographie, Journal du voleur, plusieurs pièces de théâtre, dont Haute Surveillance et Les Bonnes, ainsi qu’une quantité importante de poèmes.

Au cours de la décennie suivante, Jean Genet a rédigé « en quelques mois à peine » toutes ses autres pièces de théâtre. A la fin de sa vie, il a canalisé, durant trois années, toute son énergie et sa force créatrice pour rédiger Un captif amoureux. Certains ont vu dans l’élaboration de son œuvre, l’écoulement régulier d’un fleuve, tandis que d’autres ont prétendu que la création littéraire de Genet équivalait à une éruption volcanique.

Jean Genet s’est passionné pour les luttes révolutionnaires contemporaines : les Zengakuren japonais, les Black Panthers américains et la cause palestinienne.

En 1955, Jean Genet a rencontré celui qui sera son grand amour, Addallah, alors qu’en 1974, dans les rues de Tanger, il a fait la rencontre de Mohammed El-Katrani. Mohamed y trouvait refuge dans l’alcool et le kif. Leur amour fut heureux, mais Genet décida d’installer son compagnon à Larache, dans le nord du Maroc. Il lui fit construire une maison et l’encouragea à sa marier. Plus tard, il s’occupa des enfants du couple, comme un heureux grand-père, respectueux et pédagogue.

Au Maroc, où il passa le plus clair de son temps, Genet se couchait à la tombée du jour et se réveillait en pleine nuit. Allongé sur son lit, il écrivait jusqu’au matin et sortait tôt acheter les journaux. Puis, il passait beaucoup de temps à discuter, dans les cafés, avec des marginaux. Au Maroc, comme dans tous les pays du monde qu’il a parcouru, il ne cherchait le contact qu’avec les plus déshérités.
Les publications de Jean Genet & Inédits.

On trouve toute l’œuvre de Jean Genet, publiée aux Editions Gallimard (www.gallimard.fr / www.folio-lesite.fr /www.decouvertes-gallimard.fr). Tout son Théâtre, ses Œuvres Critiques et son Choix de Correspondance, ont été publié dans la collection de « La Pléiade » (N° 491 A 11491-3).

Chez « Folio Gallimard » : Le balcon ; Les bonnes ; Un captif amoureux ; Haute Surveillance ; Journal du voleur ; Miracle de la rose ; Les nègres ; Notre-Dame-des-Fleurs ; Les Paravents ; L’ennemi déclaré ; Splendid’s suivi de Elle. La majorité de ses pièces de théâtre ont également été publié dans la collection « Folio Théâtre », alors que Journal du voleur a également trouvé sa place dans la collection « Folio Foliothèque ».
Plusieurs Inédits de Jean Genet ont été publiés aux Editions Gallimard, à l’occasion du centième anniversaire de la naissance de l’auteur.

La sentence suivi de J’étais et je n’étais pas, dans la collection « Blanche » : Jean Genet, dans ce texte, se pose une question cruciale, du juge et du condamné, lequel est l’ombre et lequel le soleil ? Le piteux cérémonial des tribunaux, vague survivance des salles de torture, dans l’ordre du langage, ne valait pour lui que par le paragraphe qu’y appose le voleur en purgeant sa peine dans l’isolement de sa cellule.

Dans la collection « L’Arabalète » vient d’être publié Lettres à Ibis, comportant un cahier de photos. Ces lettres constituent un précieux témoignage sur Genet pendant les années trente, années qu’il a toujours passées sous silence et dont aucun écrit n’avait été retrouvé jusque là. Cette période de sa vie fut décisive, car il s’engagea dans l’armée, découvrit la Syrie et le Maroc, puis déserta pour vagabonder à travers l’Europe. Ibis, la femme à qui Jean Genet a adressé ces lettres, était une femme libre et artiste, née comme lui en 1910.

Querelle de Brest, le roman le plus érotique et homosexuel de Jean Genet, vient d’être publié dans la collection « L’Imaginaire ». Cette Edition comporte un DVD.

Des livres autour de Jean Genet

Nous saluons tout particulièrement l’excellent ouvrage d’Arnaud Malgorn, publié sous le titre Jean Genet, portrait d’un marginal exemplaire dans la collection « Découvertes Gallimard » (www. decouvertes-gallimard.fr). L’auteur de ce livre, Arnaud Malgorn, est un ancien normalien. Il est l’un des premiers à publier, en 1988, une biographie critique qui porte sur l’ensemble de l’œuvre de Genet. L’ouvrage Jean Genet, portrait d’un marginal exemplaire, comporte plus de 120 documents : photos d’archives privées, de l’identité judiciaire, d’actualité, mêlées à des photos de films, de pièces de théâtre, mais aussi des portraits peints, dessinés, caricaturés, des illustrations, des épreuves annotées, des lettres… Il s’agit d’un voyage fabuleux dans la vie et l’œuvre de Genet.

Dans la collection « Tel », une longue réflexion de Jean-Paul Sartre à propos de Genet : Saint-Genet, comédien et martyr.

Albert Dichy et Pascal Fouché publient dans la collection « Les Cahiers de la NRF » : Jean Genet, matricule 192.102, chronique des années 1910-1944. Cette publication apporte notamment des informations inédites sur les parents de Genet et sur son frère qu’il n’a jamais connu, ses fugues successives à l’adolescence et son parcours militaire. On y trouve également le premier récit de son enfance qu’il fait à un psychiatre lorsqu’il va être jugé pour désertion.

Né à Fès, Maroc, en 1944, Tahar Ben Jelloun a obtenu le Prix Goncourt en 1987. Pendant douze années, Tahar Ben Jelloun a bien connu Jean Genet. Dans son livre Jean Genet, menteur sublime, publié dans la collection « Blanche », Ben Jelloun jette un jour nouveau sur cet écrivain secret et souvent mal compris. Ben Jelloun a surtout connu un Genet politique, mais resté toujours un homme insaisissable et créatif. Genet apparaît, puis disparaît, pour réapparaître à chaque fois et associer Tahar Ben Jelloun à de multiples projets, tels qu’entretiens, articles, scénarios, traductions…Ben Jelloun fut également le témoin de la fragilité des dernières années de la vie de Genet, fragilité due à sa maladie, ce cancer qui le ronge. Des années durant lesquelles l’auteur mit ses dernières forces dans l’écriture d’un livre ultime, Un captif amoureux.

C’est également dans la collection « Blanche » que Tahar Ben Jelloun publie la pièce de théâtre Beckett et Genet, un thé à Tanger. Cette pièce met en scène un rencontre tout à fait imaginaire et imaginée, entre Beckett et Genet. Tous deux sont impatients. Ils attendent la visite très improbable de leur ami commun, Giacometti.

Tous les livres présentés dans le cadre de cet article ont été publié aux Edtions Gallimard (www.gallimard.fr / www.folio-lesite.fr /www.decouvertes-gallimard.fr) dans l’une ou l’autre des nombreuses collections de cette très respectable Maison d’Edition.
Si vous souhaitez découvrir le calendrier complet des manifestations organisées dans le cadre du centième anniversaire de la mort de Jean Genet, nous vous invitons à visiter le site : www.imec-archives.com/la-lettre-11.pdf.

Michel Schroeder