Kultur

Champ social, historique, scientifique, artistique… des livres passionnants

Le 17 juillet 1676, à huit heures du soir, six jours avant son 40ème anniversaire, Marie Madeleine d’Aubray, marquise de Brinvilliers, meurt sur l’échafaud place de Grève à Paris. La foule, massée pour assister à son exécution, est impressionnée par le courage de cette femme au corps si frêle. Quel était donc son crime pour que des juges aient prononcé contre une femme une sentence aussi impitoyable ? Coupable d’avoir empoisonné son père, ses deux frères, son mari, sa sœur et sa fille, elle fut jugée « tueuse en série ». Le verdict des magistrats se fonda sur leur intime conviction, et quelques indices retrouvés dans une cassette et surtout sur une curieuse confession écrite de sa propre main. Pourtant tout n’est pas si clair. Quatre cent ans plus tard, l’historienne Agnès Walch, s’interroge sur le véritable caractère de cette femme. Réfutant son « instinct criminel », l’hypothèse jugée à juste raison ridicule, l’historienne, familière des drames de mœurs fait la part des choses et à la lumière du Journal de Marie Madeleine d’Aubray qu’elle a relu, rouvre l’enquête sur la meurtrière la plus célèbre de l’histoire. La marquise de Brinvilliers d’Agnès Walch a été publié aux Editions Perrin. (www.editions-perrin.fr). Publiés chez le même Editeur, nous conseillons : Galilée de Jean-Yves Boriaud ; Aimé Césaire de Romuald Fonkoua ; Hitler et le Vatican de Peter Godman ; Cro Magnon, aux origines de notre humanité de Marcel Otte ; Les Gaulois contre les Romains de Joël Schmit ; Histoire des Etrus-ques de Jean-Marc Irollo.

Le voyageur qui s’embarque au début de l’été 1754 pour Lisbonne n’est plus le dramaturge à succès des années 1730, ni le romancier brillant des années 1740, à peine le magistrat éminent et réformateur du début des années 1750, mais un mourant usé par l’hydropisie, la goutte et la cirrhose du foie. Un mourant qui compose son journal tout en concluant sa vie. Enfin, les francophones ont le plaisir de lire le dernier livre de Henry Fielding, l’une des plus belles plumes de la littérature anglaise, Le journal d’un voyage de Londres à Lisbonne, dans une admirable traduction de Nathalie Bernard, édité par les Publications de l’Université de Provence (www.univ-provence.fr/wpup). Le dernier récit d’Henry Fielding est doublé d’une Iliade universelle, le récit de l’ultime combat. La guerre de Troie finit toujours par avoir lieu. Chez le même éditeur, nous avons découvert : Filmer le travail, films et travail, cinéma et sciences sociales, sous la direction de Corine Eyraud et Guy Lambert ; Migrations et territoires de la mobilité en Méditerranée, revue « Méditerranée » ; Le monde rural dans l’Occident musulman médiéval, sous la direction de Mohamed Ouerfelli et Elise Voguet.

Dans le catalogue particulièrement bien fourni du spécialiste des documents sonores, nous avons relevé des productions de grand intérêt : La peine de mort, septembre 1981 dans la collection « Débats historiques à l’Assemblée Nationale » (FA 5278) ; L’Etranger de Albert Camus, lu par Albert Camus lui-même en avril 1954 (FA 5052) – le livre a été publié chez « Gallimard » dans la collection Folio (www.gallimard.fr / www.folio-lesite.fr /) ; Gigi de Colette, lu par Danièle Delorme (FA 8100) ; Le malaise dans la culture de Sigmund Freud, lu par Nathalie Roussel ; Pérou, cordillères noires et blanches dans la collection « Musique du Monde ». Chez Frémeaux & Associés (www.fremeaux. com)

Née de la découverte d’eaux sulfureuses, la station thermale d’Enghien (Val d’Oise, au nord de Paris) doit certainement à son lac sa prospérité et sa notoriété. Douceur climatique, cures et divertissements de qualité ont contribué au cours du XIXème siècle à faire de cette ville une station balnéaire et thermale de premier plan. Les choix architecturaux et urbains des spéculateurs et des édiles responsables du développement urbain démontrent sans équivoque un désir de répondre à un flux saisonnier en constance progression. Durant deux siècles eurent lieu destructions et reconstructions, apportant à Enghien un patrimoine d’une grande richesse. Chalets, cottages, villas de tous styles, immeubles art déco se côtoient dans le superbe ouvrage Enghien-les-Bains, source d’urbanisme de Sophie Cueille et du photographe Jean-Bernard Vialles, publié chez Somogy éditions d’art (www.somogy.net). La profusion iconographique de cette publication est extraordinaire : 350 œuvres de toute nature. La publication est complétée d’un historique détaillé d’Enghien-les-Bains. Chez ce grand spécialiste des livres d’art, nous avons également apprécié : Sport, quand les musées font équipe, un livre qui propose des œuvres de 60 musées d’Île-de-France, des œuvres qui racontent le sport de l’Antiquité à nos jours ; Le nu dans l’art moderne canadien, 1920-1950, ouvrage collectif avec des textes de Michèle Grandbois, conservatrice au Musée national des Beaux-Arts du Québec, d’Anna Hudson et d’Esther Trépanier. Ce bel ouvrage donne l’occasion de découvrir l’art canadien moderne sous un angle bien précis, celui du nu. Les œuvres de 56 artistes, tels Jean Dallaire, Paul-Emile Borduas, Alex Colville et Edwin Holgate sont réunies pour la première fois.

J’ai parcouru et découvert un livre d’images spectaculaires et parfois déroutantes, soutenues par un texte très didactique qui nous donne à appréhender la biodiversité et les comportements du monde animal, dans ce qu’ils ont de plus saisissants, de plus séduisants et de plus riches. Curiosités animales de Jean-Baptiste Panafieu a été publié aux Editions du Rouergue (www.lerouergue.com). Chez le même éditeur, nous ne pouvons que vivement vous conseiller de découvrir Un dernier berger, texte de Colette Gouvion, photos de Renaud Dengreville. La civilisation du berger appartient presque au passé. Ce livre aux images évocatrices n’en est que plus précieux. L’histoire du berger Christian Avesque est celle d’un monde qui s’achève. Un témoignage unique.

Maître de conférences en Histoire Moderne à l’université de Caen, Emmanuel Garnier est responsable du projet CLIMURBS : étude des impacts climatiques et des forces de résilience en milieu urbain. Son livre Les dérangements du temps, publié aux Editions Plon (www.plon.fr) apporte un éclairage original et important sur la question du « Global change ». L’auteur nous explique les enjeux de l’histoire du climat. Il est indispensable que nous prenions de la distance par rapport aux enjeux d’actualité fortement politisés.

Plus loin il expose les grandes stances du climat européen, il expose les événements climatiques extrêmes, il nous montre les sociétés européennes à l’épreuve du climat, il fait le portrait des séismes climatiques en Europe du « Grand Hiver » de 1709 aux inondations de 1784. Ensuite, il nous fait entrevoir le climat comme le plus grand tueur en série. Egalement chez « Plon », le Dr. Jean Leonetti publie Quand la science transformera l’humain, tandis que Davi Kopenawa et Bruce Albert publient La chute du ciel, paroles d’un chaman Yanomani.

Faute de pouvoir soigner les maladies, la médecine du XIXème siècle, en France d’abord, puis en Angleterre et plus tard en Allemagne, s’est attachée à les prévenir. D’où le rôle central qu’y joue l’hygiène publique. Se donnant pour mission de supprimer les foyers d’infection qui minent la société, elle s’étend à tous les domaines : égouts et voiries, alimentation et travail, fumiers et mares, pollution industrielle et urbaine, prisons, casernes, hôpitaux, mais aussi prostitution, alcoolisme, etc. Les hygiénistes sont d’un même avis : faire circuler l’air, faire circuler l’eau, désinfecter, vacciner. À la fin du XIXème siècle, les médecins finissent par se faire élire eux-mêmes au Parlement afin de faire voter une législation sanitaire applicable sans plus de délai. Mais pour imposer les contraintes de santé publique, il leur faut abandonner l’idéologie libérale, alors hégémonique, et en construire une autre, le solidarisme. La législation perdurera par l’idéologie. Philosophe et historien des sciences, Gérard Jorland vient de publier Une société à soigner, hygiène publique et salubrité publiques en France au XIXème siècle aux Editions Gallimard. (www.gallimard.fr / www.folio-lesite.fr /). Publiés chez le même éditeur, nous avons lu avec beaucoup d’intérêt : Bohème littéraire et Révolution, le monde des livres au XVIIIème siècle de Robert Darnton ; La transplantation d’organes de Philippe Steiner. Chez « Folio Gallimard » viennent d’être publiées de nombreuses nouveautés, parmi celles-ci : Sur l’histoire du mouvement psychanalytique de Sigmund Freud ; Conférences d’introduction à la psychanalyse de Sigmund Freud ; Histoire de la Mésopotamie de Véronique Grandpierre ; Beethoven de Bernard Fauconnier et Chopin de Pascale Fautrier.

La toute nouvelle collection « Tango » des Editions Alternatives (www.editionsalternatives.com) invite un artiste (peintre, graphiste, pho-tographe, pochoiriste…) à donner sa vision plastique d’une œuvre littéraire classique ou con-temporaine. Ainsi La fin du mon-de, texte de Philippe Djian, avec des images de Horst Haack : c’est un texte lapidaire et fulgurant sur un monde décidemment trop beau pour être vrai. L’inquiétude et l’angoisse naissent de cette perfection inhumaine, cauchemar doucereux réinitialisé à l’infini. Les peintures de Horst Haack, où le texte de Djian prend toute sa place puisqu’il constitue aussi la matière même du tableau, donnent corps à cette vision d’un futur d’autant plus dérangeante qu’elle semble terriblement possible. Dans la même collection : La peur qui rôde, texte de H.P. Lovecraft, avec des images de Romain Fournier.

Balades scientifiques dans Paris d’Anne Zanditénas et Catherine Gherbi est un guide abondamment illustré, qui convie à la découverte de l’évolution des idées et des techniques dans trois domaines : l’astronomie, la radioactivité et l’énergie. En arpentant les rues de Paris on découvre les traces de ces inventions ou de leur auteur et des hommes qui ont permis de faire progresser les théories scientifiques qui s’y rattachent. Les lois de la physique sont dévoilées par la visite des musées scientifiques de Paris, le Palais de la Découverte et la Cité des Sciences. Les aspects techniques sont évoqués au Musée des Arts et Métiers. Ces balades entraînent le lecteur-promeneur dans un voyage historique et scientifique au cœur d’un Paris inédit. Cet ouvrage a été publié chez Nouveau Monde Editions (www.nouveau-monde.net). Chez le même éditeur, des livres-événement : 1814, le siège de Metz de Jacques Le Coustumier ; Télévision, la quête de l’indépendance, dans la collection Le Temps des Médias ; L’espace culturel transnational d’Anna Boschetti ; Quand les psychotropes font leur pub de Thierry Lefebvre, Didier Nourrisson et Myriam Tsikounas.

Deux Editeurs gâtent particulièrement les jeunes lecteurs. Chez Gallimard Jeunesse (www.gallimard-jeunesse.fr) : Le curieux voyage d’un drôle de bus dans le monde fabuleux de Thierry Laval ; Raconte-moi ma naissance de Catherine Dolto et Amélie Graux ; Les oiseaux (collectif) et La Rome ancienne (collectif) dans la collection Mes Grandes Découvertes ; Aujourd’hui au Maroc de Geneviève Clastres ; Aujourd’hui au Maroc de Clotilde et Houssaine Oussiali. Aux Editions de la Martinière Jeunesse (www. lamartinierejeunesse. fr) : Les enfants nomades de Gianni et Tiziana Baldizzone ; Miruna, Cosmin et Marius vivent en Roumanie de Cathy Dutruch et Sophie Duffet ; Malek, Youssef et Boussaïna vivent en Egypte de Claire Veillères et Sophie Duffet. Tous ces livres s’adressent à des tranches d’âge spécifiques. Nous vous invitons à consulter les sites des Editeurs.

La remise en cause actuelle du juge des enfants fragilise l’équilibre entre éducation et sanction : comment comprendre la justice des mineurs à travers l’examen du travail de ces magistrats ? Quelle place spécifique reste-t-il à la justice des mineurs, accusée de laxisme face à la montée des insécurités ? Quelles sont les relations entre les travailleurs sociaux et les autres partenaires extérieurs constituant l’environnement dans lequel le juge s’insère ? Benoît Bastard, directeur de recherche au CNRS, en collaboration avec Christian Mouhanna, sociologue, vient de publier aux Editions Erès (www.editions-eres. com) le livre L’avenir du juge pour enfants, éduquer ou punir ?. Chez le même éditeur, nous conseillons : Soigner le travail, itinéraire d’un médecin du travail de Gabriel Fernandez ; Eduquer dans un monde en mutation de Marie-C. David et Laurent Ott.

La naumachie est le spectacle romain le plus colossal à n’avoir jamais existé. Il consistait à reconstituer grandeur nature une bataille navale sur l’eau d’un grand bassin naturel ou artificiel. Entraînées et embarquées sur de puissantes galères de combat, les flottes des condamnés s’affrontaient et représentaient les anciennes grandes marines de la Méditerranée an-tique. Pourtant, les naumachies sont aujourd’hui les spectacles, mais aussi les édifices de spectacles anti-ques les moins connus de tous. Où se trouvaient les trois grandes naumachies de Rome ? Assistait-on réellement à la transposition d’un combat naval en plein milieu urbain ? Quels étaient les scenarii des naumachies ? Que symbolisait la mise à mort collective de milliers de condamnés dans le contexte festif, militaire, politique et religieux de la fin de la République et du Haut-Empire ? L’ouvrage La naumachie, morituri te salutant de Gérald Cariou a été publié aux PUPS – Maison de la Recherche de l’Université Paris-Sorbonne (http:// pups.paris-sorbonne.fr). Chez le même Editeur viennent de paraître : Itinéraires sépharades, complexité et diversité des identités d’Esther Benbassa ; Vladimir Nabokov, fictions d’écrivains de Yan- nicke Chupin.

L’art du recyclage, j’aurais plutôt tendance à écrire l’Art du Recyclage, c’est une certaine manière de recycler. C’est aussi un certain nombre de manières qui règlent aujourd’hui la création dans l’art et le design. L’ambition de l’ouvrage L’art du recyclage, publié aux Publications de l’Université de Saint-Etienne (http://publications.univ-st-etienne.fr) sous la direction d’Eric Vandecasteele, n’est pas d’étalonner l’ensemble des pratiques de recyclage, tout artistiques qu’elles soient, mais de questionner, à travers des cas de figure exemplaires, les raisons de notre rage tout actuelle de recycler. Recyclage est souvent pratique artistique contemporaine. Chez le même éditeur, nous avons sélectionné de récentes publications : Voyages de photographes de Danièle Méaux ; Sauvageons des villes, sauvageons des champs, la prise en charge des enfants délinquants et abandonnés dans la Loire ( 1850 – 1950 ) de Bruno Carlier.

Pour Picasso, il n’y avait que deux sortes de femmes, déesse ou paillasson. Au-delà de la misogynie et de la provocation, le propos renvoie à une tension, que montre l’œuvre, entre deux pôles dans la représentation du corps féminin : attraction et rejet, beauté et laideur, réalisme et acharnement pictural. Le conflit se noue à différents niveaux : celui d’une confrontation avec quelques mythes structurants (Vénus, Méduse, Baubô…), celui d’une rencontre avec l’histoire de l’art (Rembrandt, Goya, Ingres, Manet, Courbet…), celui d’un corps à corps avec l’image peinte. Ici, au risque de s’y perdre, l’auteur choisit de rester au plus près de la toile, d’en explorer les détails, d’en chercher les moindres craquelures pour observer comment le corps féminin devient peinture. L’ouvrage Déesses et paillassons, les grands nus de Picasso de Jacques Terrasa, professeur au département d’espagnol de l’Université d’Aix-Marseille, a été publié aux Presses Universitaires de Vincennes (http://www.puv-univ-paris8.fr). Archéologie du moi de Gisèle Berkman et Caroline Jacot Grapa, ainsi que L’Asile aux fous (ouvrage collectif) sont de nouvelles publications du même Editeur.

Michel Schroeder