Kultur12. Oktober 2024

Cinéma : D’Land am Schiet

Un «coup de boule» à la droite de notre pays

de Michel Schroeder

Malgré le fait que ce film a récolté quelques critiques négatives, nous vous le conseillons toutefois. Il est vrai que les premières quarante minutes rien de bien intéressant ne se passe, si ce n’est le fait que le réalisateur Lukas Grevis campe les personnages de son film. Coupons 20 minutes de ces 40 minutes et ce serait parfait.

Les trente dernières minutes de «D’Land am Schiet» s’avèrent exaltantes. Dans les fauteuils des salles obscures, dans lesquelles ce film est projeté actuellement, je pense que bon nombre de spectatrices et de spectateurs serrent les poings, en écoutant les propos racistes qui fusent. En résumé, ce film Made in Luxembourg, mérite que vous alliez le voir.

Lukas Grevis parvient à admirablement bien plonger le public dans une région profonde où se trouve ce petit village (Letzweiler) où l’action se déroule. Grevis donne également le ton avec deux célébrations de la culture luxembourgeoise : l’interpréation de «Ons Heemecht», l’hymne national du pays, ainsi que le Buergbrennen qui célèbre la sortie de l’hiver. Dans ce petit village, un village e encore ancré dans ses traditions ancestrales, loin de la ville, de son centre d’affaires, de ses écoles internationales, ainsi que de ses 70,8 % de résidents étrangers.

A Letzweiler tout le monde se connaît depuis des générations, des familles possèdent des terres depuis des générations. Ici on fait comprendre aux étrangers qu’ils ne sont pas chez eux et qu’ils ne le seront jamais.

Dans cette sorte de no man’s Land vivent Jos et Sara. Lui vit toujours dans la ferme de sa mère. Sara élève seule son fils âgé d’une dizaine d’années. Sara tient le bar du village, tandis que Jos s’occupe de la ferme.

Le couple se rend compte que la ferme est bien trop grande. Ils ont l’idée lumineuse de transformer une partie de celle-ci en centre pour réfugiés. Si ce projet est bien vu par une partie des villageois, il ne l’est pas du tout par d’autres.

Franz mène celles et ceux qui souhaitent que ce projet ne se réalise jamais. Franz veut se sentir chez lui et ne pas voir des afghans et autres se balader dans son village.

Il lance un référendum dans le but de mettre fin au projet de Jos et de Sara. Les habitants de Lentzweiler vont pouvoir voter pour ou contre le projet. Le jour du référendum a été fixé au jour du «Buergbrennen».

Lorsque le référendum est sur le point d’être dépouillé, Franz qui tient en main la boîte qui contient les votes des administrés, se lance dans un discours de haine et de racisme. Il dit qu’il souhaite continuer à se sentir chez lui à Lentzweiler, qu’il ne veut pas avoir peur en rentrant à la maison le soir, qu’il veut que l’église reste celle de la seule tradition religieuse admise par toutes et par tous, il veut que tout le monde parle et comprenne la langue luxembourgeoise ! Franz a bien mis en place la «Peur de l’autre».

Soudain il prend la boîte qui contient les résultats des votes et lance son contenu loin derrière lui, en beuglant, «nous n’avons pas besoin de dépouiller les votes, car dans notre village, à part quelques idiots, tout le monde est contre ce maudit projet de Centre pour réfugiés.»

Franz est alors acclamé par le public. Spectatrices et spectateurs constatent à quel point il est facile de manipuler l’opinion.

Avec son film, Lukas Grevisse, allume tous les voyants rouges concernant les nombreux dangers que sont la droite et l’extrême droite !

Cette œuvre cinématographique de Lukas Grevis, oui j’ai bien utilisé le terme œuvre pour ce film, car finalement s’en est une et pas des moindres, possède une esthétique de l’image et des couleurs qui lui est propre. Les paysages présents sont nombreux, afin de traduire les beautés du Nord de notre pays, ainsi que les scènes plutôt rurales. Grevis nous plonge dans une ambiance quelque peu rétro avec des accents de modernité. Le réalisateur rend bien, comme dans un tableau, l’ambiance de ce village, les tensions qui s’installent qui montent, les idéologies d’extrême droite qui de distillent à petites doses, mais sûrement, dans la population de ce village.

Parmi les acteurs, Nora Koenig que l’on peut voir actuellement dans «Traumnovelle», pièce mise en scène par Frank Hoffmann et que vous pouvez voir au TNL. (Théâtre National du Luxembourg), ou encore Jil Devresse. Des messages musicaux du film ont été confiés à des musiciens du cru, les rappeurs Maz Universe et Maale Gars. Parmi les acteurs, vous applaudirez très certainement Max Thommes, Pierre Bodry, Thomas Roland ou encore l’excellente Marie Jung.