Kultur14. Juni 2025

Cinéma : «Slocum et moi» de Jean-François Laguionie

Un film inoubliable

de Michel Schroeder

Que cela fait du bien, un peu de poésie dans ce monde de brutes. C’est ce qu’apporte le film d’animation «Slocum et moi» de Jean-François Laguionie, 85 ans. Ce film magnifiquement dessiné, en pastel, ainsi que parfois en aquarelles, raconte une histoire de bateau qui trouve beaucoup d’affluents, de confluents secondaires, et qui nous permet de faire le tour du monde avec Slocum, premier navigateur en solitaire, qui mit trois ans à faire le tour du monde à la fin du 19ème siècle. Beaucoup d’histoires en une, sur la famille, les marins, les rencontres océaniques, les premiers émois amoureux, mais surtout une immense poésie qui finit dans l’âme du spectateur. Ce film rend serein et heureux.

«Slocum et moi» a été nominé aux deux prestigieux festivals de Cannes et d’Annecy. La musique originale du film a été composée par Pascal Le Pennec et est interprétée par l’Orchestre National de Bretagne. Ce film de Mélusine Productions a obtenu le soutien du Film Fund Luxembourg.

Il peut être lu à différents degrés, ce qui fait que Slocum passionne le jeune public dès l’âge de 7-8 ans, ainsi que les adultes jusqu’aux seniors. Lors de la projection, un silence mystérieux s’installe dans la salle. Spectatrices et spectateurs suivent les aventures de cette famille qui vit sur les bords de la Marne. Beaucoup d’émotions, de sensibilité, mais pas de sensiblerie. Le réalisateur a réussi un tour de force magistral avec ce film.

Entre ses rêves d’aventures et un regard tendre sur ses parents, le jeune François, le héros de «Slocum et moi» passe de l’enfance à l’âge adulte. Début des années cinquante, dans le jardin familial au bord de la Marne, Pierre commence la construction de la réplique du Spray, le voilier légendaire sur lequel Joshua Slocum accomplit le tour du monde en solitaire qui l’a rendu célèbre en 1895. Sont enrôlés dans l’aventure de la construction du voilier, son épouse Geneviève et son fils François. Ce dernier vient d’avoir 11 ans. Il se passionne pour ce projet et pour le navigateur Slocum, symboles de liberté.

Au début de la construction du bateau, François, avec son air effacé, son allure chétive, son fort penchant pour la rêverie nous embarque dans cette rêverie nourrie de récits d’aventures. Il ne s’intéresse guère à ce que font ses parents jusqu’au jour où son père commence la construction d’un bateau. La vie à la maison devient soudain fantastique. Le journal de bord de Slocum le navigateur ne quitte plus sa table de chevet. Peu à peu, pour François il y a deux voyages parallèles : le vrai voyage de Slocum et la construction du bateau dans le jardin. Le jeune garçon va tout faire pour ne pas décevoir ce père qu’il aime profondément.

François admire et aime son père adoptif et il n’a guère envie de s’embarrasser de son père biologique qui l’invite à passer les fêtes de Noël avec lui. Le bateau lui ouvre des horizons extraordinaires. Cela va remplir sa vie pendant cinq ans. Le temps de passer de l’enfance à l’adolescence. Mais le regard du gamin sur son père n’est qu’un propos du film. Le propos est plus vaste ! Celui de bien des rêves que l’on met en chantier et que l’on abandonne un jour.

«Slocum et moi» commence en 1950, juste à la fin de la guerre. Cette fin de guerre qui avait vu naître des rêves de liberté en tout genre. Et sur les bords de cette grosse rivière de banlieue, la Marne, où se déroule l’action du film, on construisait des bateaux en bois. Au prochain coude de la rivière, on pouvait déjà apercevoir le pont de Nogent. A l’époque, il y avait encore de vraies guinguettes où l’on jouait de la guitare jazz. Le samedi soir, les cinémas faisaient le plein. Toute cette époque revit sous les yeux éblouis des spectateurs. Merci Monsieur Jean-François Laguionie.