Kultur

Résurgences, découvertes et lumière chez Schweitzer

Bien qu’avec son exposition « Expériences de la lumière », présentée par Lucien Schweitzer surtout dans les salles 3 et 4 de sa galerie(1), Anne Slacik soit l’incontestable reine de cette saison d’hiver 2009, je ne vous la présenterai pas tout de suite. Le fait est, que j’aime commencer par le commencement ; la première impression du visiteur accédant à une galerie pouvant influer de manière non négligeable sur sa perception subjective. C’est donc tout d’abord dans la vitrine, puis dans tout l’espace de la salle 1, ainsi que dans le petit salon entre les salles 2 et 3 que nous attendent aujourd’hui nombre de livres d’art, tableaux et sculptures : autant de résurgences d’expositions passées épicées par quelques découvertes. Le tout est certes un peu surchargé, genre caverne d’Ali Baba, mais présenté avec goût et harmonisé dans le respect des particularités artistiques présentes, ainsi que de leur inévitable interaction esthétique.

Cependant, quel bonheur, de pouvoir retrouver parmi les artistes que je vous ai déjà présentés, notamment le sculpteur Philippe Gourier(2), avec des sculptures en partie plus anciennes, mais sûrement pas moins réussies que les dernières ! Et quel plaisir de voir et revoir les créations de l’immense peintre Vladimir Velikovic(3), qui ne cessera jamais de nous enchanter par sa magie aussi crépusculaire que tragique, à laquelle Lucien Schweitzer semble ne pas pouvoir renoncer ! Et n’oublions pas parmi les autres artistes présents (permanents) de la Galerie : Jacques Villeglé avec ses étonnants graphismes sociopolitiques (4), mais aussi Jean Miotte et Antoni Clavé que je pourrai sans doute vous faire découvrir un jour prochain.

Parmi les artistes nouveaux pour moi, je citerai brièvement le quasi-mystique Michael Burges avec son « Virtual Space Work » et ses « Reverse Glass Paintings ». Cependant, ses trois seuls tableaux, présentés dans le petit salon à gauche du passage entre les espaces 2 et 3, ne me donnent qu’une idée très partielle de son talent. Pour cette raison, mais aussi dans l’espoir que nous aurons droit dans un futur proche à une exposition plus complète de cet artiste, je préfère vous laisser apprécier ses trois oeuvres sans autre commentaire, pour en venir enfin à...

Mais nous voilà enfin devant notre « reine de l’hiver », Anne Slacik. Ma première impression ? Économie de formes, tout de nature, de lumière et d’infini ! Voyons tout d’abord sa somptueuse série des « Toiles Pourpres ». Généreusement exposés dans la vaste salle 2, devenue le temps de cette exposition « salle pourpre », ces tableaux s’inspirent, comme leur titres l’indiquent, de fleurs : Muscari, Astrance, Freesia, Ancolie, Zinnia ou Aconit. Mais je dis bien s’inspirent, sans plus, car à de rares exceptions près, comme l’ensorcelante et quasi-figurative série « Orchis » dans l’entre-deux-salles 1 – 2, l’artiste nous offre dans ses « Expériences de la lumière », de l’abstrait, de l’esthétique pure, du sentiment et... une profondeur sans fond.

Libre à vous bien sûr de voir dans « Indigo 6 » ou dans « Bleue » de sa série « Toiles blanches » des tornades sur la mer (salle 3), ailleurs un paisible paysage lacustre aboutissant à quelque horizon, ou que sais-je ! Un privilège du grand art abstrait n’est-il pas justement de permettre toutes les libertés d’interprétation, les évasions et enfin cette interaction, aussi connivence entre l’artiste et l’amateur invité à participer à son tour au processus créatif ? Notez toutefois, amis lecteurs, qu’au cours de sa brillante carrière picturale, Anne Slacik ne s’est nullement limitée à cet art abstrait qu’elle privilégie, et vous pourrez aisément vous en rendre compte en fouillant sur les sites Internet www.artpointfrance.org/slacik/index.htm ou bien pagesperso-orange.fr/anne.slacik/.
Ma préférée est « Pourpre Muscaria », toile somptueuse aux mesures d’un équilibre rare (95 x 197 horizontal), d’une extrême sobriété, et à la peinture d’une densité telle que son attraction rend la désinvolture du visiteur improbable. Elle n’offre pourtant point de formes. Minimaliste même, de ces innombrables minima qui composent l’infini, la magie de ses dégradés et variations purpurines y est si captivante que nombre d’autres toiles, pourtant très belles, risquent de pâtir de la comparaison. Aussi, voudrais-je vous suggérer de visiter les salles 2 et 3 en admirant d’abord – comme saisis d’agoraphobie – les tableaux exposés aux parois à votre gauche, ce qui vous ramènera, après une visite complète des deux salles et de leurs trésors, comme « Licht – Lumière de mardi », « Licht – Lumière de mercredi » ou la série « Licht 1 » à « Licht 7 », de nouveau à la salle 2 et à son incroyable « Pourpre Muscaria ».

Anne Slacik est née à Narbonne en 1959. Elle a suivi des études en Arts Plastiques à l’Université de Provence, puis à l’Université de Paris, où elle a obtenu le diplôme du troisième cycle et en 1984 l’agrégation en Arts plastiques, qu’elle enseigne entre 1982 et 1990. En 1991 elle se voit distinguée par le Prix de peinture de la Fondation Fénéon. Elle vit et travaille en région parisienne et dans le Gard. Depuis plusieurs années, nous apprend le galeriste, Anne Slacik collabore également à de nombreux livres d’artiste. « … les livres parlent aussi de peintures et les peintures son nourries des livres (…) La rencontre est belle parce qu’elle est humaine, et que c’est la vie. Exactement comme la peinture est la vie... », nous murmure-t-elle entre les lignes du communiqué de presse de Lucien Schweitzer. Voilà qui est presque aussi joliment dit que peint !

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Galerie Lucien Schweitzer, 24 avenue Monterey, Luxembourg (entre Parc et boulevard Royal), mardi à samedi de 10 à 18 h, exposition jusqu’au 28 février.
Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek du 11.12.08 : « Philippe Gourier : Découpages et assemblages »
Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek du 15.10.08 : « Corps, corbeaux, feux… de Vladimir Velickovic »
Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek du 15.6.07 : « Jacques Villeglé... Graphismes Sociopolitiques »

Giulio-Enrico Pisani