Ausland

Non à l’asservissement de la femme !

Pourquoi le PCF défend-il l’asservissement de la femme ? Eh bien ça, il faudra le leur demander. En effet, ce qui n’étonne guère chez ce successeur de Lancelot du Lac qu’est l’ultragauchiste Olivier Besancenot, chevalier sans peur et sans reproche des temps modernes, surprend tout de même de la part du pragmatique Parti Communiste Français. Rien de plus normal, au fond, que notre vaillant idéaliste crypto-trotskiste veuille rompre une lance pour la pudeur de nouvelles Guenièvres, même emballées dans des sacs à patates, niqabs ou autres burkinis#(1). Mais que cet autre Olivier, monsieur Dartigolles, porte-parole d’un PCF se réclamant d’un communisme progressiste historiquement en tête de l’émancipation féminine, sollicite pour les femmes musulmanes le « droit » de rester dans un avilissement phallo-théocratique religieux millénaire, est un comble. “Il y a une tentative de détournement des grands enjeux du débat public avec la question religieuse”, a-t-il affirmé sur France Inter, en ignorant superbement que pour la majorité des Français la question religieuse est aujourd’hui loin d’être secondaire en ce qui concerne l’islam. Et de pousuivre : “... d’une certaine manière, il (Manuel Valls)(2)# suit les pas d’une droite très radicalisée qui court après le FN (et) fait le jeu des terroristes qui souhaitent une guerre de religion”. C’est ce qui s’appelle faire preuve d’un esprit de contradiction aussi ridicule que gratuit. Le jour où les partis de centre-gauche, de droite et d’extrême droite diront que l’eau est mouillée, le PCF se sentira-t-il obligé d’affirmer qu’elle est sèche ?

La position du PCF est d’ailleurs d’autant plus absurde, qu’il ne reste plus a démontrer, que la radicalisation de l’opinion publique à droite et la montée de l’islamophobie sont moins causées par le terrorisme djihadiste que par les compromis équivoques des dirigeants européens occidentaux (tous pays confondus) avec les islamistes#(3) autoproclamés modérés. Ne l’ai-je pas clairement démontré dans ces colonnes le 22.7.2016#(4) ? Heureusement, quitte à ce qu’on n’y lise pas notre Zeitung, on est parfois plus réaliste au sud de la Méditerranée. Des centaines d’articles et de « posts » me le confirment quotidiennement. Tenez : un internaute, musulman pratiquant, écrit dans Face-book : « Les défenseurs du burkini doivent comprendre que ce vêtement ne donne pas aux femmes le droit de pouvoir enfin se baigner en respectant un idéal religieux. Dans la majorité des cas, il répond à une demande religieuse intégriste visant à atteindre une visibilité maximale dans l’espace public qui sonne comme une provocation. Si les musulmans veulent être admirés et respectés, ce serait pour les valeurs positives qu´ils font voir et non pas par leurs costumes... Les religions ont toujours divisé, apporté la discorde... La religion est (à la rigueur...) à cultiver dans son coeur (...) et non pas dans les vêtements ou les prières de rue... ».

Certes, il ne manque pas de beaux esprits, pour condamner l’aspect dérisoire de la polémique sur le Burkini. À première vue, face aux graves problèmes sociétaux qui tourmentent la scène mondiale, ils sembleraient même ne pas avoir tout à fait tort. Et ce pourrait même être effectivement le cas, s’il ne s’agissait de bien plus que d’une affaire de mode – ultra-pudeur contra peau nue – comme joliment illustré par GWS(5)# près de « France : Un été explosif » de David Angel (WOXX 19.8.2016 p.4). Le problème est hélas bien plus profond et son analyse sérieuse – non pas exhaustive, c’est impossible – fait vite oublier le ridicule de certains affrontements face à un drame sociétal et humain de portée non seulement française ou européenne, mais humaine. Ce n’est donc qu’après avoir lu de très nombreux articles et recensé un grand nombre d’opinions allant des plus nuancées aux plus radicales que je suis parvenu à me faire une opinion que je pense valable. C’est, bien-entendu, votre droit le plus strict de ne pas y adhérer, amis lecteurs, voire de la contester après avoir le ces lignes jusqu’au bout.

Il faut d’abord placer la question du burkini dans son véritable contexte, celui qui consiste à enfermer la femme musulmane via la burqa, le niqab ou autres voiles islamiques (qu’ils ne sont nullement) dans une condition d’infériorité et de soumission à l’homme. Afin d’obéir, selon les ordres de leurs imams, à l’exclusivité du regard sur sa peau nue réservée à son mari, seigneur et maître, ou par peur de l’oeil voyeuriste d’autres mâles, la femme musulmane doit dissimuler son épiderme en public. Elle ne saurait donc exhiber jambes et bras pour aller se baigner au vu de tous. D’aucuns observeront, à juste titre, que cette attitude est assez proche de ce qu’elle était chez nous jusqu’au début du XXème siècle. Mais justement ! C’est ici que j’en viens à citer quelques phrases parues dans L’Espresso de ce 17 août#(6) de l’écrivaine et féministe de gauche (tiens, il y en en a qui sont pas islamisées#(7)) Lorella Zanardo(8)# qui, contrairement au camarade Dartigolles, approuve les décisions d’interdire le burkini sur certaines plages françaises.

Je vous les traduis donc de mon mieux. À l’intervieweur qui lui demande, concernant cette interdiction, si dans un tel cas « ... ne peut s’appliquer le principe, que “mon corps est à moi, c’est moi qui le gère”, que chacun a le droit de se vêtir comme il veut ? » elle répond : « Je connais des femmes qui prétendent porter le burkini par libre choix. Mais dans ce cas je pense à ma grand-mère, née en 1910, qui me dit : “Sais-tu, Lorella, nous, on y tenait vraiment à nous marier vierges”. Était-ce réellement leur libre choix ? Possible, mais comment se fait-il qu’après la révolution sexuelle cela n’a plus été le cas ? Nous avons en effet découvert que ce choix n’était peut-être pas si libre que ça. (Il est vrai que) nous devons respecter les us et coutumes de ceux qui viennent d’autres cultures, mais nous devons également montrer à nos camarades immigrées les résultats de nos luttes, et qu’une autre société, plus libre, est possible, et que le burkini est (un symbole d’) esclavage ». Bon, passons sur l’aspect quelque peu sommaire de l’argumentation, qui ne trouve toute sa valeur que dans le contexte de l’article entier, pour revenir à présent sur l’objection de la grand-mère.

Nos arrière-grand-mamans choisissaient-elles librement de devoir (en principe) se marier vierges, de vivre sous régime patriarcal, de devoir soumission et obéissance à leur légitime conjoint, de ne pas pouvoir voter, de ne travailler qu’à la maison#(9), de se baigner accoutrées comme des bonnes soeurs, etc.? Si cela avait été leur libre choix, pourquoi ne sont-elles pas montées sur les barricades pour sauvegarder ces « libertés » ? Non, deux siècles et demi durant, elles se sont battues pour s’en défaire, donc pour guérir du syndrome de Stockholm#(10) dont souffraient les femmes depuis des millénaires, ce mal qui fait croire à l’esclave, au serf, au détenu, à l’otage, à l’être déclaré inférieur, au maltraité, qu’il consent à son état, voire l’approuve, jusqu’à en aimer son maître, son geôlier, son tortionnaire. C’était ainsi chez nous jusqu’en plein XXème siècle, sur ordre de l’église catholique(11)# et de la phallocratie dominante. Heureusement toutes deux furent forcées à lâcher du lest depuis un siècle sous la pression du féminisme et de l’histoire (notamment par l’influence du communisme et la participation des femmes à l’effort de guerre). Mais chez les musulmans, il n’y a pas de Vatican qui décide pour tous.

Dans l’islam, c’est des traditions religieuses parfois vieilles de plus de quatorze siècles et agrémentées avec le temps d’une infinité de prescriptions, versets, sourates, hadiths, adaptations, fatwas et théories plus saugrenues les unes que les autres, qui font la loi. Nombre de ces diktats se retrouvent dans la charia (loi islamique) et, le moins qu’on puise dire, c’est qu’ils rabaissent la femme au rang d’un être inférieur, impur, voire même démoniaque qui, plus il se dissimule, moins on le voit, mieux cela vaut pour tout le monde. Mais, étonnamment, selon le PCF et bien de « féministes de gauche » ayant en commun l’ignorance de la condition féminine dans l’islam et des menaces du salafisme(12)#, cette réduction de la femme à un être inférieur, le plus souvent impur et obligé de dissimuler son corps, résulterait de son libre choix. Pas d’autres commentaires !

Giulio-Enrico Pisani

* * *

1) Maillots de bain recouvrant tout le corps !

2) Valls ne s’est pas prononcé contre le burkini, mais a dit comprendre les maires qui l’ont interdit et ne pas s’y opposer. Texte entier sur http://www.franceinfo.fr/emission/l-interview-politique/2015-2016/elections-2017-il-faut-construire-une-candidature-collective-gauche-olivier-dartigolles

3) Ne pas confondre avec musulmans. Les islamistes sont pour un islam politique et leur branche la plus omniprésente et dangereuse est constituée par les Frères Musulmans.

4) « Quelle mouche piqua Federica Mogherini, Ou comment droite, centre et gauche font aujourd’hui le lit du fascisme », en ligne sub www.zlv.lu/spip/spip.php?article17235

5) Guy Stoos ?

6) Je recommande chaleureusement l’article complet à tous ceux qui savent lire l’italien : http://espresso.­repubb­lica.it/attualita/2016/08/17/news/vietare-il-burkini-e-di-sinistra-lorella-zanardo-1.280531

7) Voir note 4

8) Autrice notamment de Il corpo delle donne, Feltrinelli, 2010 et Senza chiedere il permesso, Feltrinelli.

9) Il y a encore une cinquantaine d’années, à l’ARBED, le premier employeur du Grand-Duché, les femmes devaient quitter leur emploi lorsqu’elles se mariaient.

10) Le syndrome de Stockholm désigne un phénomène psychologique observé chez des otages ayant vécu durant une période prolongée avec leurs geôliers et qui ont développé une sorte d’empathie, voire une sorte de sympathie ou de contagion émotionnelle vis-à-vis de ceux-ci, selon des mécanismes complexes d’identification et de survie.- Article complet sur https://fr.wikipedia.­org/wiki/Syndrome_de_Stockholm

11) certaines sectes intégristes chrétiennes ou juives étant encore pires de nos jours…

12) Version rigoriste de l’islam, qui est en progression constante en Europe et qui sert souvent de terreau au takfirisme et au djihadisme.