Kultur03. November 2021

Stéphane Erouane Dumas : «Bouleaux...

Ou, poésie pure en «noir et blanc»..

de Giulio-Enrico Pisani

... oui, à très, très peu de nuances, de plages près! En outre c’est sans doute la première fois que cela m’arrive je donne à mon article sur cette exposition, quasiment le même sous-titre que j’ai déjà employé pour en intituler une autre et – un comble – présentée dans la même galerie. Faute de goût? Pourquoi? Je ne pense pas. À vous de juger sur pièces! Mais vous aurez vite fait, Ici s’arrête de toute manière une quelconque parenté entre la peinture-poésie de Gao Xingjian (1) et ce merveilleux poème pictural de l’artiste peintre et sculpteur Stéphane Erouane Dumas, que nous présente aujourd’hui à la Galerie d’art Simoncini (2), et que je me permets (ni la galerie ni l’artiste ne le font), d’intituler «Bouleaux...».

Et c’est effectivement d’«un bouleau, croisé lors des balades incessantes de Stéphane Erouane Dumas dans cette Normandie qu’il aime pour sa lumière laiteuse, brumeuse et évanescente..» dont «parle» l’historienne et critique d'art Stéphanie Pioda dans la Gazette de l’Hôtel Drouot, en présentant une précédente expo de l’artiste à Paris (2020?).

Eh bien, moi, amis lecteurs, le ballet immobile de ces denses poèmes de bouleaux sur les toiles de S. E. Dumas me transportèrent d’emblée avec eux, très loin jusqu’aux immenses espaces où vécurent mes ancêtres russes, pour qui, selon un de leurs vieux proverbes, étreindre un bouleau attirerait la bonne fortune. Ainsi va l’art, qui ne se contente pas d’être la création de son créateur, mais qui est sans aucun doute et davantage encore ce qu’y voit chaque spectateur. Ainsi les sobres, quasi-monochromes peintures sur toile, qui s’arrachent devant vous à leurs toiles sur cadre afin de vous amener vers les bois d’horizons normands, russes, ou autres de votre imaginaire, au-delà de vous faire rêver, vous saisiront aux tripes. D’aucuns parleront de faire battre le cœur, ce qui revient au même. Et puis, à quoi bon se disputer? À chacun sa vérité... Et ses futaies de bouleaux!

J’ai écrit plus haut «ballet immobile». C’est une façon de parler, bien sûr, car devant les tableaux de S. E. Dumas, vous ne percevrez pas d’emblée la danse des troncs qui craquent, gémissent et contrarient le vent, des branches qui s’agitent, des feuilles qui tremblent et des chatons qui frémissent et tombent. Non, ces futaies sobres aux fûts élancés, presque nus dans leur peau à l’air blanc et noir, réveillent et vous rappellent vos souvenirs de promenades au bois, de randonnées champêtres, ou de vieux films soviétiques, où l’arbre national russe ne manque pas souvent. Puis leurs longs troncs faussement frêles vous élèvent très haut vers leurs frondaisons encore invisibles – apparemment, là aussi –, mais désormais présentes en vous, le spectateur charmé, voire déjà séduit. Même si vous n’en êtes pas conscient, votre rôle, l’ouvrage de l’amateur d’art, peut même valoir celui de l’artiste. Silencieux, en retrait, absent, ce denier nourrit en effet le besoin d’harmonie et poésie visuelle que recherchent ceux qui voient son œuvre, non pas en simples curieux, mais afin d’y pénétrer, d’en jouir, voire parfois, incapables d’en ressortir indemnes, de se l’approprier,

Silencieux, S. E. Dumas l’est d’ailleurs d’autant plus, comme l’écrivit il y a un lustre l’historien de l’art Pascal Bonafoux, en ce qu’il vous offre «... un rendez-vous avec l'essentiel: le silence de la peinture». Aussi est-ce encore ce silence, qui caractérise l’art en général, que vous retrouverez, plus présent que jamais ici, à la galerie Simoncini, où S. E. Dumas présente sa collection du jour. Ici, aujourd’hui, il se limite certes à un seul sujet, le saule. Mais ce «silence de la peinture», qui est également silence de l’art, est sensible dans toute son œuvre, car outre ses huiles sur toile ou sur papier, il crée aussi bronzes et céramiques, ainsi que de vastes installations. Et là-dessus, l’élargissement de notre perspective nous amène à jeter un coup d’oeil à la biographie de l’artiste.

Stéphane Erouane Dumas est né le 12 avril 1958 à Boulogne-Billancourt.
Il vit et travaille à Paris et en Haute-Normandie après avoir fréquenté en 1980 à Paris l’Académie Julian et en 1981 l École nationale supérieure des arts décoratifs et s’être diplômé en 1084 des Arts décoratifs de Paris. Mais il semble s’être vraiment lancé dans le monde des expositions en 1990 au salon de Montrouge (expo collective) et au Centre d'Art Contemporain à Rouen et au Mécénat Pernod à Créteil en individuel. Suivront principalement en France et en Belgique, mais aussi en Suisse, Italie, aux USA et au Luxembourg, une centaine d’expos et parfois de performances, dont vous pouvez découvrir le détail sur son site stephaneerouanedumas.com. Et ensuite? Eh bien, ensuite c’est à vous de jouer!

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1) Écrivain, dramaturge, metteur en scène, poète et peintre, prix Nobel de littérature 2000. V. mon article du 15 octobre 2020 dans notre Zeitung.

2) Galerie Simoncini, 6, rue Notre-Dame, coin rue Chimay, Luxembourg ville, ouverte du mardi au vendredi, de 12 à18h. et samedi, de 10 à 12 et de 14 à 17 heures. Expo Stéphane Erouane DUMAS jusqu’au 28 novembre.